Black to the future

© Bob Sweeney

Héritière de Sun Ra et double féminin de Saul Williams, Camae Ayewa alias Moor Mother débarque avec un nouvel album electro-cosmique aux Trinitaires messins.

Des incantations de poétesse habitée livrant un spoken word issu des tréfonds de la culture afro-américaine. Des imprécations sombres sur des sonorités graves portées par une electro brute sombrant à l’envi dans un punk-rock expérimental, Moor Mother n’a rien à envier au charisme de son compère Saul Williams avec lequel elle partage le goût du crossover déroutant, des plages musicales pulsantes et planantes d’où émergent un effet de transe favorisant l’ouverture de l’âme à des textes militants. Dans le droit fil du gourou cosmique Sun Ra, elle a fondé le Black Quantum Futurism : une nouvelle approche de la vie et d’expérimentation de la réalité passant par « la manipulation de l’espace-temps afin d’envisager des futurs alternatifs, ou la réduction de l’espace-temps à un avenir souhaité pour le réaliser dans le présent ». Perchée Camae Ayewa ? Plutôt inspirée par une cosmogonie afro-futuriste née avec le jazzman Sun Ra, autoproclamé sauveur du peuple noir et natif de Saturne nourri à la SF et à l’Égypte ancienne. Mais qu’on ne s’y trompe pas, ces références ne sont pas un dogme personnel. C’est la découverte de la scène underground de Philly qui fera de Moor Mother une activiste en règle contre toutes les marges où la majorité rejette l’autre : genre, couleur de peau, sexualité… Son écriture plonge volontiers dans la plaie toujours suintante de l’esclavage, la lutte pour les droits civiques et les angles morts de la société américaine. La moitié du duo 700 Bliss (formé avec DJ Haram) et Moor x Jewelry (avec le producteur et compositeur Steven Montenegro) ne ménage pas ses forces : auteure et interprète des textes du groupe de free jazz Irreversible Entanglements, elle sort aussi des recueils de poèmes quand elle n’anime pas des ateliers pour enfants dans les projects de sa ville. Son néo-afro-futurisme peuplé de rituels africains et de physique quantique se veut ancré dans le réel, la tête tutoyant les étoiles. Nul doute que sa performance scénique et le workshop qu’elle donnera à Metz marqueront les esprits. Frileux, s’abstenir.


Au Petit Bain (Paris), mardi 11 janvier
petitbain.org

Aux Trinitaires (Metz), jeudi 16 janvier en coproduction avec 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine
citemusicale-metz.fr
fraclorraine.org

Workshop Anthropology of consciousness avec Moor Mother au 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine (Metz), vendredi 17 janvier, gratuit sur réservation au 03 87 74 20 02 ou info@ fraclorraine.org

Analog Fluids of Sonic Black Holes, paru chez Don Giovanni Records
moormother.bandcamp.com

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