Auvergnan Graffiti: Interview avec Jean Felzine de Mustang

Les jeunes gars de Mustang sont sous forte influence fifties. Plus electro que rétro, ce trio clermontois chante dans la langue des yéyés et cite Elvis ou Kraftwerk. Entretien avec le chanteur-auteur-guitariste qui a la banane : Jean Felzine.

Votre nom, Mustang, et le titre de votre album, A71, évoquent la vitesse…

Les choses sont allées assez vite pour nous, mais on ne peut pas parler de succès fulgurant. A71 fait référence à l’autoroute que nous avons beaucoup empruntée pour venir à Paris et à l’album Autobahn de Kraftwerk qu’on adore. Nous aimons le côté hypnotique de la route et de la musique électronique. Sur notre album, il y a d’ailleurs un sample d’Aphex Twin… Quant à Mustang, nous trouvions que ce nom sonnait très rock’n’roll au moment de fonder le groupe, il y a trois ans, au lycée. Nous avions 18 ans.

Quels artistes écoutiez-vous à cette période ?

Nirvana, d’abord. Puis les Stooges, les Ramones, Suicide, les groupes sixties… Au moment de Raw Power, album méchamment violent des Stooges, Iggy Pop citait Jerry Lee Lewis. Nous avons écouté son live au Star-Club de Hambourg et ça nous a mis le pied dedans : il y avait des chansons de Litttle Richard, de Carl Perkins… Nous sommes alors tombés amoureux d’Elvis et de la musique de cette époque. La révélation !

Il y a cette culture des pionniers des années 50, mais vous chantez en français. Votre nom fait d’ailleurs songer au Ford Mustang de Gainsbourg ?

Gainsbourg, c’est pesant : dans les poses ou la musique, c’est dur d’en sortir. Je pense notamment à un mec comme Biolay, qui est doué, mais qui le singe trop.

À propos de Gainsbourg, vous dites qu’il faut tuer le père…

Nous nous référons à ses arrangements, sa musique, plutôt qu’à ses paroles. Nous nous interdisons les jeux de mot, le travail sur les rimes, afin de raconter des choses en français sans faire de formalisme. Il faut essayer de s’affranchir de l’influence de Gainsbourg.

Et faut-il tuer Elvis ?

Pour moi, c’est un sommet, bien au-dessus de Gainsbourg. Il a eu un rayonnement mondial, il est inépuisable, c’est la matrice : Elvis porte tous les rockeurs qui l’ont suivit. Ils n’ont fait que développer un des aspects qui existaient déjà chez lui : Roy Orbison, le mélodramatique, Jerry Lee Lewis, la sauvagerie… La bestialité, la tendresse, l’humour : Elvis a toutes ces choses en lui.

photo de Dimitri Coste

Est-ce parce que vous allez chercher loin dans le temps, dans les fifties, qu’on vous taxe parfois de “rétro” ?

Tous les groupes qui font du simili Stooges, du simili Wire, ne sont pas traités de rétro, car leur musique est à la mode. Aujourd’hui, c’est pire que tout vu que les eighties, les pires années, sont à la mode ! Pour moi, les groupes doivent piocher dans tout ce qui est bon : nous avons choisi de taper dans les années 50, mais ne faisons pas de pastiche.

Au-delà de la musique des 50’s, il y a votre look, les blousons d’universités américaines, les jeans retroussés, la banane sur la tête…

C’est peut-être un peu par réaction. Nous adorons les Stooges, mais quand tout le monde s’est mis à les aimer, nous avons commencé à les écouter en cachette.

Donc votre style est également une manière de vous différencier ?

Tout à fait, mais ces styles que nous avons découverts sur les pochettes de disques nous ont tout de suite plu et nous ont semblé modernes. Le look d’Elvis des débuts est hyper-stylé, fascinant, les photos de Cochran sont étonnantes. On dirait un demi-dieu.

À Strasbourg (avec les Plastiscines), à La Laiterie, vendredi 26 février 2010

03 88 237 237 – www.laiterie.artefact.org

Humour, onanisme et jolies pépées

Un son à la fois vintage et moderne, rockab’, electro et yéyé. Les paroles des Auvergnats ? « Seul dans ma chambre […] je rêve d’une adorable personne […] Alors, en arrière, puis en avant, je la mène au firmament. » Si, si, vous avez bien saisi le sens de cet extrait d’En Arrière, en avant qui parle… de masturbation. Mustang, une bande de petits branleurs, de marrants ? Pas du tout, mais l’humour tient une place importante dans son univers habité par les jolies filles. Écoutez aussi le morceau Anne-Sophie, très librement adapté du I’m So Free, en VF, de Lou Reed.

Mustang, A71 – Epic


Le top 5 de Mustang

Elvis : Le premier RCA (Elvis Presley, 1956) dans sa version CD avec tous ses bonus (Heartbreak Hotel, My Baby Left Me…) est celui qui nous a filé le virus. Et des crises de nerfs, dans ma salle de bains, quand j’ai voulu me coiffer comme lui. La pochette est vraiment d’avant-garde.

Stooges : Le premier gros choc. Funhouse (1970) surtout. L’orgasme en musique, vraiment.

Suicide : Suicide (1976). Suicide c’est vraiment ce qu’on attendait après s’être gavé de Stooges et de Velvet. Est-ce qu’on peut faire mieux avec des machines ?

Bo Diddley : Le papa de toutes ces musiques hypnotiques qu’on adore. Le dieu de la gratte. Notre héros, comme Iggy.

Beach Boys : Nous sommes tous d’accord sur Pet Sounds. Le versant lumineux (quoique) de Funhouse. Il y a des trucs qu’on ne pige toujours pas. Une vraie cathédrale !

Il en manque plein, les Français, les pionniers 50’s, la soul, les punks, les Beatles et le Velvet Underground bien sûr, mais voilà une bonne part de ce qui a fait notre musique.

Écoutez Le Pantalon de Mustang

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