Stille Nacht : Le festival Primeurs et ses spectacles bilingues

Quinze ans déjà que le festival Primeurs défend les écritures dramatiques contemporaines francophones, présentées chaque année à Sarrebruck et Forbach. Florilège de la nouvelle édition.

Après un cru 2020 totalement numérique ayant pallié aux fermetures des frontières et des salles, Primeurs rejoue à saute-frontières en proposant une innovation de taille : pour la première fois, en plus des surtitres, les festivaliers pourront suivre l’ensemble des spectacles en version bilingue (en allemand comme en français) par le biais d’une traduction simultanée via des écouteurs ! D’autre part, une Plateforme numérique, recensant toutes les pièces dont les traductions ont été commandées par le festival depuis ses origines, est en cours de développement, histoire de laisser trace et de servir d’outil pour metteurs en scène en quête de nouveaux textes. Côté programmation, c’est la dernière création de Catherine Umbdenstock, Meeting Point (Heim)*, qui ouvre le festival (17/11, Le Carreau). Un choix symbolique pour une pièce questionnant l’identité, issue d’une commande d’écriture passée à Dorothée Zumstein sur la notion de frontière. Après Richter, Fassbinder, Büchner ou Schiller, la metteuse en scène s’empare, avec son ensemble franco-allemand Epik Hotel, de ce récit familial n’ayant de cesse d’être percuté par les incursions de la grande Histoire. L’intérieur en bois de cette maison frontalière, qui craque pour se rappeler à nos bons souvenirs, sert de décor aussi fantasmatique que réel à l’impossible réunion de quatre protagonistes. Un vieux couple, cinéaste et comédienne ne partageant depuis longtemps plus le même toit, accueille dans un trouble évident le retour de son fils, médecin. L’apparition d’une jeune femme, étrangement diaphane, achève de placer ce huis-clos à la chronologie volontairement fragmentée du côté des contes durs et implacables de nos anciens. Cette bâtisse, accolée à la forêt, a été le témoin des déchirements passés ; elle accueille leurs échos actuels. Changement de genre avec Drissa / Le Iench d’Éva Doumbia, lecture en allemand proposée par Dela Dabulamanzi de Label Noir (20/11, Alte Feuerwache du Saarländisches Staatstheater). Un texte coup de poing évoquant le quotidien de la famille malienne de Drissa, bien installée en France mais qui continue de subir les préjugés. Le jeune garçon de 11 ans emménage dans un pavillon de province et rêve d’une vie comme dans les publicités. Et surtout il aimerait avoir un chien – un iench comme il dit ! Dans ce texte paru en 2020 (Actes Sud – Papiers), l’autrice née dans la banlieue du Havre traverse poétiquement la condition des personnes racisées tout en dénonçant explicitement les violences policières.


Au Carreau (Forbach), à l’Alte Feuerwache du Saarländisches Staatstheater et au Studio Eins de la radio Saarländischer Rundfunk au Halberg (Sarrebruck), du 17 au 20 novembre
festivalprimeurs.eu

Un programme de webinaires “Primeurs PLUS” accompagne le festival autour des questions de la traduction théâtrale sur le site
festivalprimeurs.eu/plus

*La pièce est aussi en tournée au Taps (Strasbourg), 14-17/12 et à La Comédie de Colmar, 18-19/01/22

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