Si proche : L’Orient inattendu à la BNU

© Pictural Colmar

Regroupant plus de 250 pièces, L’Orient inattendu à la BNU permet d’explorer les liens entre la région rhénane et l’Orient, et plus précisément les terres d’Islam.

Emportant le visiteur dans un dense voyage Du Rhin à l’Indus, cette riche exposition construite chronologiquement (organisée à l’occasion du 150e anniversaire de la BNU) possède « un triple fil conducteur », explique l’une de ses deux commissaires, Nourane Ben Azzouna. Et la Maître de conférences en Histoire des Arts de l’Islam à l’Université de Strasbourg de préciser qu’on y découvrira « les représentations de l’Orient islamique dans la région rhénane, sa réception et son impact – dans les sciences, la littérature et les arts – et les traces laissées dans les collections. » Des liens se nouent dès le VIe siècle entre les deux espaces géographiques grâce aux pèlerins partant en Terre Sainte, « zone de contact entre chrétiens et musulmans, entre mythes et réalités ». Ils en rapportent des souvenirs, comme cette petite ampoule joliment ornée datant d’environ 550, qui contenait vraisemblablement l’huile des lampes éclairant le tombeau du Christ. Cartes, manuscrits et somptueux objets témoignent d’une relation multiforme, souvent conflictuelle, comme cette staurothèque1 byzantine du XIe siècle arrivée en Alsace après les Croisades. Si les hommes voyagent, les idées également : c’est l’objet d’une deuxième section dédiée au rôle des foyers de l’humanisme – Strasbourg en tête – dans la transmission de textes comme les Fables de Bidpaï, connues en Occident par le truchement des prosateurs arabes2. De sublimes manuscrits en témoignent tout comme de la réception de la médecine d’Avicenne en Alsace.

De conflits armés en fascination esthétique (« Si seulement les Allemands avaient écrit leur propre Coran ! » af- firma Goethe), les relations complexes et mouvantes entre les deux espaces culturels sont analysées avec finesse au fil du temps. Au XIXe siècle, l’expédition d’Égypte de Bonaparte initie, par exemple, un nouvel orientalisme. Des photographies signées Victor Stribeck (à qui l’on doit l’un des plus anciens clichés de Jérusalem, pris vers 1840), Auguste Salzmann, Gaston Braun, mais aussi Auguste Bartholdi illustrent cette attirance. De ce dernier sont aussi montrés dessins, toiles et maquettes, comme celle d’un projet de phare pour l’entrée du Canal de Suez évoquant clairement la statue qui fit sa gloire. L’Orient ensorcelle et inspire, que ce soit les papiers peints de la manufacture Zuber ou les indiennes produites à Mulhouse. Une passionnante section est également consacrée au céramiste Théodore Deck (1823-1891). Pour lui, la découverte des faïences d’Iznik lors d’une exposition du Musée de Cluny fut déterminante : plats, assiettes, mais aussi sculpture – merveilleuse Suzanne et les vieillards – en sont d’éclatants exemples.


À la Bibliothèque nationale et universitaire (Strasbourg), jusqu’au 16 janvier 2022
bnu.fr
> Une conférence de Christian Kempf revient sur les premiers voyageurs photographes alsaciens en Orient (09/11)
> Une rétrospective Youssef Chahine accompagne l’exposition à l’Odyssée avec Le sixième jour (15/11) ou Le Destin (06/12)

1 Reliquaire supposé contenir un fragment de la croix du Christ
2 Au VIIIe siècle, Ibn al-Muqaffa traduit en arabe le Pantchatantra aussi nommé Fables de Bidpaï, un ensemble venu d’Inde via la Perse

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