Música nova : Grandeza, premier opus de l’artiste brésilien Sessa

Sessa, © Helena Wolfenson

Premier opus solo de l’artiste brésilien Sessa, Grandeza rend un sublime hommage à la musique tropicaliste, tout en abordant les rives de l’expérimental. 

Grandeza, grandeur en portugais. Celle de l’amour, dont chacun des onze titres de ce disque célèbre avec une poétique lubricité les gestes et la douceur. Et puis celle de la musique brésilienne aussi, dans toute la variété de ses formes et couleurs. Pour son premier opus en solo, Sérgio Sayeg, alias Sessa, frappe haut et fort, réinterprètant avec éclat la longue histoire de la chanson d’auteur tropicaliste en la passant au tamis de surprenantes et délicates expérimentations sonores. Avec sa crinière en broussaille et ses faux airs d’illuminé mystique, le natif de São Paulo la frénétique se décrit comme « un apprenti, un étudiant de la musique brésilienne des années 1960 et 1970 », quand Caetano Veloso et Gilberto Gil bouleversaient la bossa nova en lui injectant autant de prosodie psychédélique que de fantaisie caustique contre la junte au pouvoir. « C’est un album en forme de révérence à ces artistes militants, qui ont payé leur engagement de la prison et de l’exil », explique l’auteur-compositeur-interprète à l’heure où le pays métis vit de nouveau sous la coupe du « plus vil des rats, avec son gouvernement aux airs de milice d’extrême droite, qui persécute les militants associatifs, tue sans vergogne la jeunesse noire, organise descente sur descente dans les bals funk des favelas ».

Grandeza

L’album baigne dans une brume hallucinogène, rythmé par le son d’une guitare sèche placidement grattée, les voix acidulées d’un envoûtant chœur féminin et le roulement doucereux des mains sur les bongos et les congas. Tout sonne un peu à côté, un peu de travers, dans une esthétique d’amateurisme assumée. « Je voulais une production minimaliste, un son dépouillé et brut avec relativement peu d’éléments, à l’opposé de l’exubérance qui caractérise la musique brésilienne dans tous ses aspects, de la faconde des textes à la luxuriance des arrangements, de la profusion des rythmes à la volubilité des harmoniques. » Démarrant sur une structure basique de blues, le morceau Tanto se laisse peu à peu entraîner par les saxophones sur les territoires dissonants du free-jazz et de l’expérimentation instrumentale. Sans jamais basculer pour autant dans l’aridité de l’avant-garde. Inifnitamente nu, par exemple, aurait aussi bien pu trouver sa place sur le sublime et éminemment introspectif album éponyme de João Gilberto, sorti en 1973. Quant à la viscérale sensualité des paroles de Flôr do real, elle s’inscrit dans la droite ligne de l’amour libre chanté en son temps par Caetano Veloso. « Deixa a minha boca morar na sua boca / Deixa o meu sexo morar no seu / É bom / Foda é o prazer do som » (Laisse ma bouche vivre dans ta bouche / Laisse mon sexe vivre dans le tien / C’est bon / La baise est le plaisir du son).


À la Kulturfabrik (Esch-sur-Alzette, Luxembourg), mercredi 10 novembre, au Hafen 2 (Offenbach-am-Main), dimanche 14 novembre, à l’Import Ewxport (Munich), jeudi 18 novembre et au Rocking chair (Vevey), vendredi 19 novembre

Édité par Boiled Records

boiledrecords.com


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