L’Étrange histoire de Laylow

Photo © Ilyes Griyeb

Des albums ultra-narratifs, un univers singulier : Laylow s’écarte des sentiers battus et emporte le rap français sur de nouvelles voies. Une performance artistique à découvrir sur les scènes des plus gros festivals.

Écouter un opus de Laylow, c’est comme regarder un film boosté aux VFX et se retrouver transporté quelque part entre Matrix, Menace II Society et Charlie et la chocolaterie. Plus que sur les punchlines, le rappeur toulousain mise sur son art consommé des images, métaphores et autres allégories, poussant la narration à l’extrême à l’aide d’interludes en forme de scènes dialoguées, qui tissent la trame d’un véritable récit initiatique. Féru de cinéma, Jérémy Larroux, de son vrai nom, parle d’albums conceptuels plutôt que de simples disques. Non seulement il accompagne chacun de ses titres de clips très référencés, mais le jeune homme bourré de talent n’hésite pas, comme pour son dernier projet, à décliner la fable sonore qu’il a imaginée en un noir et burtonien court-métrage de 22 minutes pour mieux emporter les fans dans son univers décalé. L’Étrange Histoire de Mr. Anderson est pensée comme un prequel à l’avènement du Franco-Ivoirien en tant qu’artiste. Dans son versant sonore comme cinématographique, l’oeuvre narre le chemin vers la libération du double maléfique de Jey – une personnification de son esprit créateur, devenu malfaisant à force d’être bridé depuis l’enfance, étouffé dans l’oeuf par les normes sociales et la pression familiale.

Composé de treize morceaux ponctués par sept intermèdes où alternent voix des scènes de la vie quotidienne enregistrées de manière naturaliste et dialogues avec son alter ego en très haute qualité, l’opus retranscrit, l’inadéquation au monde du chanteur et la façon dont le rêve pénètre chez lui la réalité. Sa structure fragmentée en fait l’écrin parfait à la personnalité paradoxale de Jérémy Larroux, entre fureur créatrice et comportement erratique de celui qui ne parvient pas à dompter le tumulte intérieur. SPÉCIAL, l’un des meilleurs sons du disque – en collaboration avec Nekfeu et la New-Yorkaise Fousheé –, est un hymne à l’étrangeté, une célébration de la différence contre la foule des moutons qui ne comprennent pas et dénigrent. Pour autant, L’Étrange histoire de Mr. Anderson ne se cantonne pas à ces textes torturés et pétris d’intimité. L’artiste y aborde aussi les thèmes qui lui sont chers depuis toujours, dénonçant le racisme comme les brutalités de la police (« Dix p’tits négros dans la vallée / Le monde voudrait les avaler », entend-on sur le refrain époustouflant de LOST FOREST) ou encore les violences conjugales (HELP). Entre écriture cinématographique adjoignant la sensibilité visuelle à la précision verbale (VOIR LE MONDE BRÛLER) et featurings de prestige (Damso, Hamza, Alpha Wann, slowthai…), Laylow transforme l’essai du déjà détonant Trinity (2020) et confirme son statut à part dans le rap hexagonal.

Au Vyv Festival (Dijon) samedi 11 juin, à La Magnifique Society (Reims) dimanche 26 juin et au Cabaret Vert (Charleville-Mézières) jeudi 18 août

Édité par Digital Mundo
laylow.fr

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