Les histoires d’amour : Elīna Garanča au Festspielhaus

Photo de Christoph Köstlin / DG

Mezzo-soprano d’une éblouissante élégance, Elina Garanca propose un récital en toute intimité sur la scène du Festspielhaus, dont le fil rouge est composé de lieder de Brahms et Schumann

Star lyrique, la cantatrice lettone Elīna Garanča impose sa présence radieuse et sa riche palette de couleurs vocales sur les scènes du monde entier, qu’elle brûle les planches du très respectable Royal Opera House de Londres dans le rôle-titre de Carmen de Bizet ou enchante le Wiener Staatsoper, incarnant Giovanna Seymour dans Anna Bolena de Donizetti. Reste que son premier récital solo de Lieder, véritable exercice de mise à nu artistique, est sorti… à la toute fin de l’année passée. Mais l’attente valait la peine ! Rare dans l’exercice en concert, elle vient défendre en live ce remarquable opus discographique, qui fournit la colonne vertébrale du très attendu récital donné à Baden-Baden aux côtés du pianiste Malcolm Martineau, avec qui elle a tissé une relation d’intense complicité. Celle-ci éclate dans Frauenliebe und -leben (l’amour et la vie d’une femme), cycle écrit par un Schumann raide amoureux de Clara, deux mois avant son mariage. Si les poèmes de Chamisso sonnent aujourd’hui quelque peu “fleur bleue”, ils sont interprétés de manière éminemment introspective, comme si la mezzo voulait conférer un puissant sérieux au sentiment amoureux. Sa diction parfaite et son timbre chaud permettent de ciseler ces huit miniatures avec une grande finesse : de la naissance du sentiment avec Seit ich ihn gesehen (Depuis que je l’ai vue) à la douleur qui lui est inhérente dans Nun hast du mir den ersten Schmerz getan (Maintenant, tu m’as fait mal pour la première fois), c’est à une circumnavigation sur la Carte du Tendre à laquelle nous sommes invités.

À côté de ce monument, Elīna Garanča a choisi un bouquet brahmsien extrêmement contrasté, où de primesautières pièces de jeunesse – comme Liebe und Frühling (Amour et printemps) – côtoient des œuvres de la maturité, parmi lesquelles l’excellent Wir wandelten (Nous marchions) ou la bien connue Sapphische Ode (Ode saphique) : « Rosen brach ich nachts mir am dunklen Hage / Süßer hauchten Duft sie als je am Tage / Doch verstreuten reich die bewegte Äste / Tau, der mich näßte » (Au noir buisson j’ai cueilli cette nuit des roses / Plus encore qu’au jour leur parfum était doux / mais les tremblants rameaux sur moi firent pleuvoir / une rosée dont je fus tout baigné). Dans ce répertoire parfois incandescent, la sobriété et la finesse de la mezzo font merveille, nimbant d’une noblesse presque surnaturelle des lieder dont on croyait tout connaître, mais qui se déploient ici sous un jour nouveau.


Elina Garanca au Festspielhaus (Baden-Baden), samedi 20 novembre
festspielhaus.de
Édité par Deutsche Grammophon
deutschegrammophon.com

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