Books are back

Sorj Chalandon © Vincent Muller

À Strasbourg, Nancy et Besançon, la rentrée littéraire déploie ses fastes. Sélection parmi la vaste programmation des Bibliothèques idéales, du Livre sur la Place et de Livres dans la Boucle.

Mrs. president
Tout juste trentenaire et déjà une dizaine de romans, une pièce et plusieurs recueils de poésie derrière elle, Cécile Coulon semble être née une plume à la main. Lauréate du prix littéraire du Monde en 2019 pour Une Bête au paradis, roman mêlant folie, désir et liberté en rase campagne – thèmes qui lui sont chers –, l’Auvergnate sera la présidente de Livres dans la boucle, festival littéraire bisontin. L’occasion pour elle de présenter Seule en sa demeure, fiction fantastique et brûlante en plein XIXe siècle, dont elle débattra aussi aux Bibliothèques idéales strasbourgeoises (04/09, 18h, à la Librairie Gutenberg) avec Adeline Dieudonné dont Kérozène paraît également chez L’Iconoclaste. Mais c’est surement en tant que poète que Cécile Coulon déploie tout son talent. Après le succès des Ronces, elle a signé l’an passé le recueil Noir Volcan (chez Castor Astral) dont une lecture sera donnée (04/09, 16h, à la Cité de la Musique et de la Danse), suivie d’une rencontre avec l’autrice. Elle participe enfin à une table ronde sur l’emprise (12/09, 14h, à la Préfecture de Nancy), au Livre sur la place, avec Jean-Baptiste Del Amo et Manon Fargetton.

Mr. president
On connaissait l’auteur de bande dessinée majuscule (Partie de chasse, etc.), le plasticien invité à la Biennale de Venise ou encore le réalisateur de Bunker Palace Hôtel. Avec L’Homme est un accident (Belin) où il dialogue avec Adrien Rivierre, Enki Bilal livre quelques réflexions bien senties, assénant, par exemple : « La planète n’a pas besoin de nous. » Pessimiste ? Il écrit en effet : « J’ai intégré la notion de surprise, d’accident – je préfère ce mot – dans ma propre création. Je le répète, ainsi, la fin de l’humanité s’installe en moi comme une intuition du présent. » Confession philosophique allant souvent à rebours de la bien-pensance, l’ensemble du livre est néanmoins une invitation à se réveiller… pour éviter le pire. Président de la 43e édition du Livre sur la place (Nancy), il sera notamment possible de le rencontrer à l’Opéra national de Lorraine (10/09, 18h). Auparavant, il aura été à Strasbourg pour dialoguer avec le physicien Étienne Klein dans le cadre d’un impromptu des Bibliothèques idéales (05/09, 15h, Cité de la Musique et de la Danse).

La porte du voyage sans retour
Le troisième roman de David Diop n’a rien à envier au précé- dent, Frère d’âme, prix Goncourt des lycéens 2018. L’auteur, qui a grandi au Sénégal après être né à Paris, s’inspire du naturaliste français Michel Adanson (1727-1806) qui rêvait de composer une encyclopédie universelle du vivant. Le récit débute pourtant à sa mort, dans les pas de sa fille découvrant dans un carnet caché pour elle au milieu de ses affaires, le secret de la vie de ce père absent, totalement absorbé par son grand œuvre. Au milieu du XVIIIe, le botaniste a vu son destin basculer dans la concession française qu’était le Sénégal. Parti étudier la flore, il apprend le wolof et se lie d’amitié avec Ndiak, adolescent et surtout fils d’un roi. Ensemble, ils vont braver les empires anglais et français, l’autorité des rois locaux et prendre tous les risques pour retrouver une femme cachée, dont la rumeur veut qu’elle soit revenue de l’esclavage. Livre haletant, plein de mises à nue de l’âme, La Porte du voyage sans retour (Seuil) – surnom de l’île de Gorée tristement célèbre pour son rôle dans la Traite négrière – ne cache rien de la cupidité des hommes, ni du racisme colonial, montrant ce que rend possible l’amour entre deux êtres.
> David Diop participe à la table ronde Paradis perdus ? avec Wilfried N’Sondé et Thomas B. Reverdy, à l’Hôtel de Ville de Nancy, samedi 11 septembre (12h), dans le cadre du Livre sur la Place
> Avec Mohamed Mbougar Sarr, Azouz Begag, Dan Nisand, il questionne l’héritage colonial à la Cité de la Musique et de la Danse de Strasbourg, mercredi 8 septembre (17h) dans le cadre des Bibliothèques idéales


Rêver debout
C’est le grand retour de Lydie Salvayre. Pas qu’on ait égaré l’autrice du superbe Pas pleurer (prix Goncourt 2014), mais son ode à la liberté et au refus de s’accommoder de la réalité du Quichotte – comme elle appelle affectueusement son anar’ courageux s’élevant contre toute injustice – est aussi drôle en diable que fort en pensée. Ce livre épistolaire paru au Seuil, en 15 lettres plus ou moins longues, a tout du manifeste d’indignation face à l’état actuel du monde. Derrière ses vraies-fausses remontrances adressées à Miguel de Cervantes, la romancière, redresseuse de torts des errements collectifs de notre époque, signe l’hommage le plus beau et fiévreux à « ce frère, cette pure figure de fiction, cette pure figure poétique » dont la présence nous est « chaque jour plus nécessaire et plus précieuse. Car c’est grâce aux brèches ouvertes par le Quichotte et les allumés de son espèce dans les murs qui nous cernent, que notre monde reste encore vivable et encore désirable. »
> Lydie Salvayre est présente au festival helvète du Livre sur les quais de Morges (03-05/09)

Montrez-moi vos mains
En résidence à l’Orchestre philharmonique de Strasbourg cette saison, le pianiste Alexandre Tharaud – qui a collaboré avec des artistes aussi variés que Bartabas et Michael Haneke – est un musicien atypique sur la scène classique. Dans ce concert / lecture, il convie à découvrir ses deux écrits initiés avec Piano intime (Philippe Rey, 2013) qui se poursuivent dans Montrez-moi vos mains (Grasset). Dans un style élégant, il évoque son existence, écrivant : « Du réveil naît le concert. Écouter la résonance de la nuit. Cette vibration aux premières minutes du jour va nourrir mon récital. Il est déjà là, palpable. Il s’approche doucement, plus d’une demi-journée nous sépare. Qu’il prenne son temps. Lumière allumée, je me recueille, j’observe. »
> Rencontre en musique avec Alexandre Tharaud, Gilles Privat et Fabien Genthialon, violoncelle solo de l’OPS à la Cité de la Musique et de la Danse de Strasbourg, vendredi 10 septembre (19h) dans le cadre des Bibliothèques idéales

Enfant de salaud
Depuis l’enfance, une question torture le narrateur – alias Sorj Chalandon – qu’il n’a jamais posé à son père : Qu’as-tu fait sous l’Occupation ? Il n’a aucune confiance en ses mensonges perpétuels… et ne se souvient que des mots de son grand- père affirmant qu’il était un Enfant de salaud (Grasset). Ce roman qui mêle l’histoire personnelle de l’écrivain (retrouvée dans un dossier judiciaire des Archives départementales du Nord) et le Procès Barbie ressemble à une enquête ; et ce qu’il va recouvrir dépasse l’entendement. Ce père avait été quatre fois déserteur d’autant d’armées différentes, nazi un jour, résistant le lendemain.
> Sorj Chalandon sera présent au Livre sur la place pour dialoguer avec Marc Dugain, samedi 11 septembre (12h) sous le signe de “Que savons- nous de nos pères ?”, à la Préfecture de Nancy. Aux Bibliothèques idéales, il s’entretient avec Claire Castillon et Jean-Baptiste Del Amo sur le thème “Nul ne guérit de son enfance”, à la Cité de la Musique et de la Danse samedi 4 septembre (14h). Il sera enfin présent au bisontin Livres dans la Boucle


Par Hervé Levy & Thomas Flagel

Bibliothèques idéales (Strasbourg), du 2 au 12 septembre
bibliotheques-ideales.strasbourg.eu

Livre sur la place (Nancy), du 10 au 12 septembre
lelivresurlaplace.fr

Livres dans la Boucle (Besançon), du 17 au 19 septembre
livresdanslaboucle.fr

vous pourriez aussi aimer