Welcome to the death club

Rassemblant des œuvres d’art graphique issues principalement de leurs collections, l’exposition de danses macabres des Musées de Strasbourg nous convie à un dernier tango dans le bassin rhénan, au milieu d’œuvres de la fin du XVe siècle à nos jours. Mortel !

Marcel Ruijters, illustrateur ayant exercé son coup de crayon dans les fanzines underground, et son livre accordéon sérigraphié Totentanz, clin d’œil jubilatoire aux gravures sur bois d’Holbein le jeune (1530). Spank, relecture (dé)culottée du thème de La Jeune fille et la Mort par la dessinatrice punk Tanxxx. Dés Pipés, lithographie de Damien Deroubaix, hommage contemporain aux danses macabres de Heidelberg (1488). Nombreux sont les artistes d’aujourd’hui fascinés par ce sujet, « pas si sombre », selon Deroubaix : « Aux personnes qui trouvent mon travail pessimiste, je réponds qu’il est à l’image de la danse macabre, montrant la mort qui emmène “joyeusement” chaque membre de la société, l’Empereur, le voleur, le chevalier ou le médecin. Toutes les classes sociales sont concernées, du sommet de la pyramide à la base. » Le message est clair : « Nous fûmes ce que vous êtes, vous serez ce que nous sommes. » Traduction : tiens-toi à carreau ici-bas si tu ne veux pas brûler dans les flammes de l’enfer à l’heure du trépas. On ne peut cependant résumer l’imaginaire macabre à sa fonction moralisatrice. Pour Florian Siffer, attaché de conservation au Cabinet des estampes et des dessins, co-commissaire de Dernière danse, il s’agit d’un « sujet caméléon, qui s’adapte à différents contextes ». L’autre commissaire, Franck Knoery, attaché de conservation au MAMCS, évoque des représentations « très codifiées comme La Jeune fille et la Mort », mais aussi une utilisation très libre de cette iconographie, notamment lorsqu’on entre dans le champ du fantastique et que l’on vagabonde « au gré de l’imaginaire de l’artiste ou de l’ouvrage qu’il illustre », comme chez Doré avec l’œuvre de Poe. La danse macabre évolue avec le temps et la figure de la mort va parfois incarner le mal, les fléaux, la guerre. Franck Knoery : « À partir du XIXe, cette figure personnifie ou inspire l’adversaire : les Révolutionnaires de 1848 chez Rethel, Poincaré pendant la Grande Guerre du côté allemand… C’est une conseillère funeste associée au camp de l’ennemi politique. » L’exposition ne manque cependant pas de souligner l’aspect humoristique, satirique de cette iconographie. Dans la Chronique de Nuremberg, sorte d’encyclopédie illustrée de 1493, la danse des morts de Wohlgemuth prête déjà à sourire avec ses squelettes enjoués pris dans une chorégraphie saugrenue. On ne peut conjurer l’inéluctable ? Valsons avec la grande faucheuse…

Jusqu’au 29 août, à la Galerie Heitz du Palais Rohan (Strasbourg)

www.musees.strasbourg.eu

Légende : La Ravachole
Tanxxx (Parthenay (Deux-Sèvres), 1976), La Ravachole, 2012. Linogravure, 30 × 40 cm
Collection de l’artiste. Photo : Musées de la Ville de Strasbourg, Mathieu Bertola

 

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