Troublantes friandises

La Galerie Bertrand Gillig consacre une exposition à l’une de ses “artistes phare”. Elisabeth Fréring propose une promenade onirique où le voile de la poésie se lève sur les instincts triviaux de l’homme.

Un trait délicat, des lavis éthérés, des animaux, des formes ambivalentes… Pour l’exposition Sucreries, ces quelques éléments qui construisent l’univers d’Elisabeth Fréring s’allient au rose, une couleur récurrente, presque obsessionnelle. L’artiste l’affectionne depuis longtemps et la décline aujourd’hui dans une série de dessins qui renvoient à l’enfance… et à beaucoup d’autres choses bien moins innocentes. « Je me rappelle des guimauves et des bonbons roses que je mangeais étant petite. Mes dessins d’adulte ont la même fonction de refuge. Ils me détendent, et constituent une barrière entre moi et le réel », explique-t-elle. Une barrière toute en subtilité qui lui permet d’évoquer la sexualité, la violence et les peurs ancrées dans l’inconscient.

Dans le terreau qui inspire l’artiste figurent le cinéma de John Waters, des romans noirs et des films pornographiques, où le rose est « synonyme de gourmandise, de succion ». C’est aussi la couleur des bouches et des sexes, même si aucun organe n’apparaît explicitement sur les images. Parfois elle vire au rouge sang ou habille la silhouette d’un revolver, immédiatement contrebalancée par un délicieux petit faon ou un collier de perles. Eye candy, comme disent les Américains : grâce à cette suavité, la violence reste sous-jacente. Les références aux contes apparaissent çà et là. Elisabeth Fréring avoue préférer leurs versions trash, comme celle du Petit Chaperon Rouge de Perrault où les personnages finissent dévorés. Les contes ne racontent-ils pas souvent les mêmes histoires, celles du passage de l’enfance à l’âge adulte et de l’animalité domptée ? Ainsi, même le loup perd ici son côté intimidant : « J’ai pris comme modèle une espèce disparue, plus frêle que le loup européen, pour souligner sa fragilité. » Fragiles également, des objets en verre alignent malicieusement leurs formes douces : « Ce sont en fait des sex-toys, surdimensionnés pour être à la même échelle que des vases ou des nains de jardin. Je les ai déjà exposés à Bâle, et beaucoup de gens n’y voyaient que des pièces décoratives », complète-t-elle, mutine. C’est dans cette tension constante entre pulsions et délicatesse que se crée l’équilibre élégant de l’œuvre de l’artiste.

À Strasbourg, à la Galerie Betrand Gillig jusqu’au 16 novembre

03 88 32 49 08 – www.bertrandgillig.fr

www.elisabethfrering.com

 

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