The true artist

Tom Bisig, Basel

Néons, dessins, vidéos, installations… Le Schaulager convoque l’art protéiforme et inclassable de Bruce Nauman pour Disappearing Acts, rétrospective regroupant 170 œuvres.

Bouleverser la vision du monde du visiteur, le mettre à l’épreuve sur le plan psychique et physiologique : tel est le credo de Bruce Nauman (né en 1941). Installant un « équilibre entre des pièces célèbres – de véritables icônes de l’Histoire de l’Art – et des œuvres rarement montrées », l’exposition (qui sera ensuite montrée au MoMA de New York, du 21 octobre au 17 mars 2019) construite chronologiquement est « fidèle à cette ambition », explique Isabel Friedli, une des commissaires de l’événement « même si l’artiste est aujourd’hui plus méditatif et mélancolique qu’à ses débuts, marqués par une plus grande violence ». One Hundred Live and Die (1984) ressemble ainsi à un coup de batte de base-ball en pleine face avec ses cent phrases impératives écrites avec des néons de toutes les couleurs qui clignotent ad nauseam, hypnotiques, autour des verbes vivre et mourir mis à toutes les sauces : fuck and live, kill and die, cry and live, cut and die, etc. S’il s’avère périlleux de définir le style de celui qui fut récompensé deux fois à la Biennale de Venise (1999 et 2009), il demeure possible de déterminer certaines de ses préoccupations récurrentes comme le sort fait aux animaux (Leaping Foxes, sculpture monumentale en forme de fragile pyramide de formes préfabriquées utilisées par les taxidermistes, créée spécialement pour le Schaulager) ou la ligne de démarcation ténue existant entre le Bien et le Mal. Seven Virtues / Seven Vices (1983-1984) est ainsi un ensemble de sombres plaques de calcaire évoquant des pierres tombales où sont gravés des mots contradictoires (comme HOPE / ENVY) dont les lettres s’entremêlent tellement étroitement qu’il devient impossible de les distinguer.

Vue de l’exposition : Leaping Foxes, 2018 (Collection the artist, Courtesy Sperone Westwater, New York © Bruce Nauman / 2018, ProLitteris, Zurich) Photo : Tom Bisig, Basel

Objets inutiles dont le but est de déstabiliser la perception comme Device to Stand In (1966), néons dérivés de leur usage publicitaire pour questionner la condition humaine (Sex and Death by Murder and Suicide, 1985), œuvres auxquelles le visiteur est invité à participer telle l’angoissante Corridor installation (1970), présentation et mise en scène de l’atelier considéré comme espace matriciel de la création où le chacun est convié (Mapping the Studio II with color shift, ip, op & ip / op (Fat Chance John Cage), 2001)… L’œuvre de Bruce Nauman ne se laisse pas saisir au premier regard, mais permet, si on accepte l’expérimentation, de féconds questionnements existentiels. Par sa simplicité et sa radicalité l’installation sonore Get Out of my Mind, Get Out of the Room (1968) en est un fulgurant résumé : dans une petite pièce éclairée d’une ampoule, une voix sortie de nulle part – alternativement grognement, hurlement, plainte, etc. – dont le volume varie nous ordonne de dégager. Rester ? C’est un risque à prendre.


Au Schaulager (Münchenstein / Bâle), jusqu’au 26 août

schaulager.org

L’exposition se prolonge au Kunstmuseum Basel où sont montrées trois pièces monumentales

kunstmuseumbasel.ch

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