Sur le fleuve des morts

Giya Kancheli © Luciano Rossetti (Phocus / ECM Records)

Sous la baguette de Michal Dworzynski, l’Orchestre philharmonique de Strasbourg nous entraîne sur les rives du Styx (1999) avec le concerto pour alto de Giya Kancheli, compositeur mystique et minimaliste.

Un pont entre les vivants et les morts, mais également entre « le monde vocal du chœur et l’écriture instrumentale pour orchestre » : voilà comment Giya Kancheli (né en 1935) décrit le rôle de l’altiste (Maxim Rysanov, pour cette soirée) dans un concerto qui plonge le public au cœur d’un entre-deux où toute temporalité semble abolie. « Depuis la toute première note, nous sommes libérés de notre perception ordinaire du temps pour flotter dans l’éternité comme des nuages », écrivait Alfred Schnittke pour décrire l’art du compositeur géorgien. C’est bien ce sentiment qui nous étreint dans Styx, partition qui reflète une œuvre minimaliste – évoquant parfois celles de son exact contemporain Arvo Pärt – et mystique où le silence possède une place centrale : « Quand une personne entre dans une église, une synagogue ou une mosquée, alors qu’il n’y a pas d’office, elle se trouve confrontée à une sorte de silence tout à fait spécial. Je veux transformer cela en musique et pense être “programmé” pour écrire des partitions qui bougent très lentement, d’un mouvement presque imperceptible. Le silence est préparé par la musique, et se transforme lui-même en musique. Mon rêve est d’atteindre ce type précis de silence. Peut-être, la plus belle musique, du reste, est-elle le silence. » Accompagnant cette page contemplative, la Symphonie n°2 de Rachmaninoff, pleine de bruit et de fureur, créera un fécond contraste.

À Strasbourg, au Palais de la musique et des congrès, jeudi 11 et vendredi 12 avril
03 69 06 37 06 – www.philharmonique.strasbourg.eu

vous pourriez aussi aimer