Summertime

Gloires du passé toujours en activité et nouvelles trouvailles prêtes à exploser. Têtes chercheuses électroniques et champions de la pop éclectique. Tour d’horizon des festivals estivaux qui s’ouvrent de plus en plus à des activités extramusicales.

Un fou furieux s’aventurant à “se faire” tous les festivals du Grand Est finirait sur les rotules avant la fin de l’été. Alors, quelle(s) manifestation(s) choisir en fonction de ses goûts et attentes ? La Foire aux Vins d’Alsace ? Cet “ancêtre” qui fête sa 65e édition brasse large avec des soirées thématiques allant du hard rock (Lonewolf, Nightmare) à la techno (Antoine Clamaran, Felix Da Housecat) en passant par la musique celtique (Alan Stivell, Nolwenn Leroy) ou le rock’n’roll (Shaka Ponk, Iggy & The Stooges). Léz’Arts Scéniques ? Le festival « à destination d’un public alternatif », selon Laurent Wenger, directeur, mélange riffs de durs à cuir (Lofofora, Black Bomb A) et electro rentre-dedans (The Bloody Beetroots, Birdy Nam Nam). Les Eurockéennes et leur programme gargantuesque qui va de The Kooks à Hollie Cook, de Justice à Poliça ou de Chinese Man à Gentleman ? Décibulles et sa sono mondiale mêlant le rock balkanique de Kusturica, les manoucheries du fiston Dutronc ou le reggae de Danakil ? Bêtes de Scène, festival couvert (au Nouma) oscillant entre la soul de Belleruche et l’electro tapageuse de Mondkopf (voir Poly n°145 ou www.poly.fr) ? BDS reste fidèle à lui-même, proposant une affiche cohérente conviant, outre Alela Diane (« un retour aux sources folk », d’après son directeur Matthieu Spiegel), The Shoes ou Surkin, des artistes placés sous la bonne étoile des labels anglais Ninja Tune (le dubstep d’Emika) et Warp (l’electro tordue et fascinante de Clark, le hip-hop électronique d’Antipop Consortium). Le festival mulhousien rassemble des musiciens ambitieux, parfois difficiles. C’est tout à l’honneur de cette manifestation aventureuse.

I am a Legend

Kem, programmateur des Eurockéennes : « Nous sommes très attentifs aux nouveaux projets que nous allons voir sur scène lors des festivals South by South West à Austin, une mine d’or, tout comme Eurosonic à Groningue aux Pays-Bas, Primavera Sound à Barcelone, ATP en Angleterre ou les Transmusicales de Rennes. Nous cherchons les nouveautés, mais sans faire dans le jeunisme à tout prix. » Avec The Cure en guise de tête d’affiche, on ne peut qu’acquiescer… « Il s’agit d’un groupe mythique, inégalé, qui a imposé un style. Il intéresse les quadras, voire les cinquantenaires, mais aussi la jeune génération. Cure fait l’unanimité, il plait même aux fans de métal pour le côté dark. » C’était important pour le festival d’avoir ces papys qui résistent et s’apprêtent à livrer un show de deux heures et demie ! Selon Kem, « les têtes d’affiches ne se renouvellent pas tant que ça. Nous sommes obligés de repartir sur les vieilles gloires qui ont une actualité ou qui refont une tournée. Nous avions fait venir Cure en 1995, il y a 17 ans… donc on ne peut pas vraiment parler de redite. » Les dinosaures (plus ou moins antiques) pullulent sur les scènes estivales : New Model Army et Jimmy Cliff à Léz’Arts Scéniques, Emir Kusturica et Têtes Raides à Décibulles, Dilated Peoples à Bêtes de Scène. Le groupe de hip-hop californien débarque « pour la première fois en Alsace » jubile Matthieu Spiegel. « Nous sommes un festival défricheur, mais qui garde un œil sur les artistes historiques », insiste le directeur de BDS. Espérons que le combo rap West Coast du début des années 1990 fera une meilleure prestation que celle, « décevante » de Pete Rock, l’an passé…

« C’est important de se référer aux racines ! » Même son de cloche du côté de Claude Lebourgeois, directeur artistique de la Foire aux Vins d’Alsace qui, après Leonard Cohen ou Neil Young, convie Iggy Pop, autre mythe vivant. « Tout le rock actuel est largement influencé par Iggy. Nous essayons d’inviter des gens qui ont fait l’histoire de la musique… et celle de la Foire aux Vins car “L’Iguane” est déjà venu il y a une dizaine d’années. » Et de se souvenir : « Je l’ai vu arriver en backstage, avec ses problèmes de hanche, sa démarche “iguanesque”, en me disant que ça devait être terrible pour lui. Arrivé sur scène, il s’est mis à courir avant de se jeter dans la fosse. C’était énorme. Un souvenir unique, un moment privilégié. J’ai eu la même impression avec Aznavour, un monsieur d’un certain âge qui se transforme lorsqu’il est devant le public. » Les dinos du rock ne sont pas prêts de déserter les festivals, le live étant leur élixir de jouvence.

De la musique mais pas que…

Natala qui organise, outre des concerts, des projections (voire les deux mélangés comme ce ciné-concert de Laetitia Sheriff sur Sa Majesté des mouches de Peter Brook) sous les arbres colmariens. Léz’Arts Scéniques proposant une expo et une multitude d’actions écolos afin de « sensibiliser les festivaliers ». Le Cabaret Vert concoctant un événement BD en parallèle à sa programmation musicale. Le rock se conjugue souvent à d’autres pratiques et cette année, plus que jamais, le théâtre de rue prend place dans des lieux habituellement réservés aux guitares électriques et machines électroniques. Décibulles avec sa très large sélection de bières du monde fait mousser son festival en développant le spectacle de rue depuis 2006. Pierre Hivert, son directeur : « Nous lui accordons de plus en plus de place. Au départ, il s’agissait de quelques interventions de fanfares ou de compagnies régionales, mais aujourd’hui, le spectacle de rue fait partie intégrante de la programmation, avec des propositions nationales et des impromptus musicaux de groupes, comme Pneu, qui se produisent cette année au milieu de la foule. » Ce festival « pluridisciplinaire » intègre donc de nombreux spectacles – sous le Chapiteau des Arts de rue – comme celui de la Compagnie Rose Bonbon et ses marionnettes contant l’histoire de deux vieilles personnes qui se mettent à swinguer.

Régulièrement, la Foire aux Vins organise des one man shows dans sa salle de 10 000 places (environ 7 000 assises). « Très peu d’humoristes sont capables de remplir une telle jauge. On ne peut prendre un humoriste que tous les trois ou quatre ans. » Ainsi, cette année, c’est Nicolas Canteloup (avec Jérôme Daran en première partie de soirée) qui s’inscrit dans la programmation du festival « multi-générationnel » avec pour mission de faire se plier le public en deux. Même les Eurockéennes s’y mettent en conviant – grande première – un comique sur scène, Le Comte de Bouderbala. Le programmateur : « Son spectacle nous a beaucoup touché lorsque nous l’avons vu à L’Alhambra à Paris. Il y a toujours un rapport à la musique avec ce pote de Grand Corps Malade, fan de hip-hop. Il parle énormément de cette scène dans ses spectacles, décortiquant les paroles de Sniper ou du 113. C’est assez fendard. Il s’est déjà produit devant 100 000 personnes à Montréal, en plein air donc je ne me fais pas trop de soucis : il devrait facilement arriver à embarquer les gens. » Extrait : « Les rappeurs sont les rares personnes qui dénoncent encore des trucs dans notre société : ils dénoncent leurs difficultés avec la police, leurs difficultés dans le ghetto et leurs difficultés en Français ! » Notons que les Eurocks ont émaillé leur prog de spectacles (la Cie Transe Express qui clôt le festival) ou d’interventions musicales (comme celle faite de bric et de broc des Burkinabés de Sahab Koanda & Le Kokondo Zaz) dont le but est de plonger le public « dans un univers complet. Beaucoup de shows auront lieu à l’extérieur du festival, dans les files d’attente ou les navettes. L’idée était d’accueillir les gens. En général, les premières personnes que l’on voit en arrivant sont les gars de la sécu. Mieux vaut être accueilli par un type qui a la banane plutôt qu’un mec qui te dit “va à gauche, va à droite” ! »

Pas de théâtre de rue, ni de stand up lors de Bêtes de Scène, mais une belle rencontre entre Loris Gréaud, plasticien français qui mixe les disciplines, et le groupe de hip-hop expérimental US Antipop Consortium. Le projet, généralement présenté dans des manifestations d’Art contemporain, mêle performance vidéo et musique live. Le directeur de BDS, « fan de la première heure de ce groupe qui révolutionna le hip-hop », trouve assez excitant de « connaître les différents acteurs du projet sans savoir exactement où il nous mènera ». Autant de propositions et, de fait, de surprises.

Décibulles (avec Thomas Dutronc, General Elektriks, Alborosie) : du 6 au 8 juillet à Neuve-Église (67) – www.decibulles.com (Place à 18,90 € au lieu de 27 € avec carte VitaCulture, mais places limitées)

Ramp’Art festif (avec Room Service, Zazouska, Gaby Moreno) : du 22 au 24 juin à Wissembourg – www.rampartfestif.fr

Musiques Hors Format (première édition avec Third Eye Foundation, GaBLé, Amadou & Mariam) : du 28 juin au 1e juillet à Metz – www.metz.fr

Rock a Field (avec Snowpatrol, Justice, Mumford and Sons) : le 23 et 24 juin à Luxembourg – www.rockafield.lu

Festival Jazz et Musique Improvisée en Franche-Comté (Yuko Oshima, Benjamin Duboc) : du 25 juin au 30 juin (31e édition) – www.aspro-impro.fr

Les Eurockéennes (avec Jack White, Cypress Hill, Amadou & Mariam) : du 29 juin au 1e juillet à Belfort – www.eurockeennes.fr

Bêtes de Scène (avec Clark, Mondkopf, Alela Diane) : du 12 au 15 juillet à Mulhouse  – www.noumatrouff.com

Stimmen (avec Lenny Kravitz, Selah Sue) : du 11 juillet au 6 août à Lörrach (Allemagne) – www.stimmen.com

Météo (avec Nhaoul, Zoor) : du 9 au 25 août à Mulhouse – www.festival-meteo.fr

Léz’Arts Scéniques (avec Tiken Jah Fakoly, Black Bomb A) : du 27 au 29 juillet à Sélestat (23,10 € / jour avec la carte VitaCulture au lieu de 33 €) – www.lezartssceniques.com

Festival Natala (concerts + ciné, avec Piano Chat, Hermetic Delight, Laetitia Sheriff, Fritz The Cat) : du 12 au 15 juillet à Colmar – www.hiero.fr

Das Fest (avec Spoonhead, Mr Moto) : du 20 au 22 juillet à Karlsruhe  – www.dasfest.net

Foire aux Vins d’Alsace (avec Gossip, Iggy & the Stooges) : du 3 au 15 août (sauf jeudi 9) à Colmar – www.foire-colmar.com

Au Grès du Jazz (avec Zakir Hussain, Moriarty, Staff Benda Bilili, Les Chapeaux noirs) : du 3 au 15 août à La Petite Pierre –www.jazzlapetitepierre.com

Summerlied, chants et contes d’Alsace et d’ailleurs, (avec Stéphane Eicher, Hugues Aufray) : du 10 au 15 août à Ohlungen (67) – www.summerlied.org

Festival Cabaret Vert (avec Manu Chao, Franz Ferdinand, Public Enemy, JoeyStarr) : du 25 au 26 août à Charleville-Mézières (08) – www.cabaretvert.com

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