Strates / Traces

Mathieu Wernert investit la strasbourgeoise Boutique : tapisseries et toiles viennent recouvrir les murs nus. À la découverte d’une poétique faite de couches de pigment accumulées et arrachées.

Un espace vide de 46 m2, surface qui donne son titre à cette exposition-installation : voilà le “terrain de jeu” du plasticien strasbourgeois Mathieu Wernert qui s’est emparé de murs vierges avec gourmandise. Le résultat ? Une dizaine de toiles et deux immenses tapisseries se faisant face. La première est composée de points polychromes (bleus, jaunes, noirs et rouges) sur fond blanc et ressemble à un clin d’œil aux Spot paintings de Damien Hirst, l’oppressante régularité géométrique en moins, puisqu’ils sont disposés « de manière aléatoire, au feeling ». La seconde est faite de pochoirs représentant des roses monochromes. Étonnante mise en abyme puisque les tableaux eux-mêmes incluent souvent les motifs répétitifs d’antiques tapisseries, celles que l’on rencontre parfois dans les maisons abandonnées : ces traces forment la touche finale de compositions abstraites et stratifiées.

Dans son atelier, Mathieu Wernert peint, colle, décolle, compose, décompose, bombe… histoire de passer derrière le miroir des apparences, d’exploser la frontière du pigment. Au départ, les surfaces « sont “propres”. Ce n’est qu’ensuite que je les reconstruis en les détruisant, en arrachant la peinture avec des morceaux de scotch, la grattant avec une spatule » narre-t-il. Ses toiles composites évoquant, pêle-mêle, les affiches lacérées de Jacques Villéglé et la cool attitude de Christopher Wool, sont le lieu du mariage improbable entre une réflexion post-pop et une esthétique de l’effacement permanent… L’ombre de Clyfford Still plane également sur un travail où l’acte créatif est aussi important que la création elle-même. Au final, l’œuvre semble s’anéantir pour se noyer dans le vide d’une étrange poésie, celle des friches industrielles, des reliques de la société de consommation. « Mes peintures racontent des histoires, mais je ne cherche jamais à rien imposer. L’accident et le hasard sont prépondérants et, parfois, je les provoque en arrosant le tableau avec de l’eau » explique l’artiste. À chacun donc de s’orienter dans ces univers abstraits d’un puissant chromatisme, où fourmillent les motifs répétitifs, de plonger au cœur de mondes à la semblance d’un étrange mélange entre déco cheap, art urbain et badigeonnages calligraphiques qui métamorphosent l’espace de La Boutique en manifeste d’une plastique apaisée.

À Strasbourg, à La Boutique (10 rue Sainte-Hélène), jusqu’au 30 mai www.mathieuwernert.blogspot.com

 

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