Rester vivant

La compagnie Roland furieux (re)monte Oh Les beaux jours de Beckett, variation absurde, drôle et tragique à la fois, sur l’acte de résistance et la durée de l’amour. Brillant.

L’envie de reprendre le texte de Beckett, « de remettre ce travail en marche, en pensée et en actes » : voilà comment Laëtitia Pitz, responsable artistique de Roland furieux exprime l’envie de remonter Oh Les beaux jours dont la compagnie s’était déjà emparée en 2010. « Les éléments scénographiques sont les mêmes, mais ils ont vieilli. Ils sont moins resplendissants », complète-t-elle. Demeure l’extraordinaire personnage de Winnie – qu’elle incarne –, une « figure perdue, au milieu de nulle part » pour le metteur en scène Daniel Proia, « mais avec la volonté de résister au désastre de son monde, du monde ? Décidée une fois pour toute ! » Une volonté absolue comme l’exprime Alain Badiou dans Beckett, l’increvable désir en évoquant « l’acharnement des personnages à persévérer dans leur être, à soutenir contre vents et marées un principe de désir, une puissance vitale, que les circonstances semblent à tout instant rendre illégitime ou impossible. »

Slalomant dans la dense forêt des didascalies beckettiennes, la pièce montre « un personnage qui doit apprendre à vivre sans le regard de l’autre, qui s’accroche à sa mémoire, à ses souvenirs, aux bruits qu’il entend dans sa tête, aux choses », résume le metteur en scène. C’est une femme à demi enterrée dont la silhouette a été rendue immortelle par Madeleine Renaud. Elle se trouve ici prise dans un mamelon textile composé de vieilles chemises qui forment comme une immense robe où elle s’enfonce progressivement et inexorablement comme dans des sables mouvants, mais elle « lutte contre l’enlisement », complète Laëtitia Pitz. « Elle s’accroche à la vie avec de toutes petites choses. Elle se débat dans une pièce qui est une ode au vivant, aux forces de survie de l’être humain qui consiste à lancer des mots à l’autre, même s’il ne les entend pas. » C’est ainsi également un « texte sur l’amour et sur sa capacité à durer, à dépasser les frontières temporelles, montrant notre capacité à inventer l’autre pour rester vivant ». Éloge de la durée…

 

Par Hervé Levy

Photo d’Agnès Guignard

 

À l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, du 6 au 14 janvier

 > Furieuses soirées (13 & 14/01) pour l’anniversaire de la naissance de Samuel Beckett : la représentation est accompagnée d’un concert du sonneur de cornemuse Erwan Keravecon et de Bandes et sarabandes, promenade dans l’œuvre de Beckett avec l’Atelier Théâtre de Norroy-le-Veneur orchestrée par la compagnie Roland furieux

 Au Théâtre-Maison d’Elsa (Jarny), mardi 31 janvier

www.jarnisy.com

À l’Auditorium de la Louvière (Épinal), mardi 21 et mercredi 22 mars

www.scenes-vosges.com

www.compagnierolandfurieux.fr 

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