Qu’est-ce qu’on attend pour foudre le feu ?

Photo de Sacha Teboul

Costard trois pièces, large cravate et petites moustaches, Feu! Chatterton a customisé la chanson française de Ferré avec un premier album gouailleur et accrocheur. Le quintet livre sa suite en citant Christophe, la trap music et le krautrock orageux. Entretien avec Arthur Teboul, chanteur.

J’ai dû avoir recours à mon Petit Robert de 1993 pour trouver la définition du titre de votre nouvel album, L’Oise- leur. Ce choix ne va pas aider à vous défaire d’une image rétro qui vous colle à la peau…

Vous exagérez, je suis sûr que la réponse est sur Wikipédia ! L’oiseleur est en effet un métier oublié : le chasseur d’oiseaux n’est pas forcément malveillant, cherchant à capturer les volatiles pour les soigner. Il s’agit d’un titre évocateur, à l’image de nos morceaux qui décrivent des paysages aux contours flous, ouverts aux divagations des auditeurs. Beaucoup sont traversés par un oiseau qui symbolise l’instant fugace qu’on essaie de capter. Il peut s’agir d’une forme, d’une couleur, du parfum d’un figuier ou d’agrumes…

Qu’est ce que L’Oiseau foudroyé sur le troisième morceau ?
Sur un rivage italien, après un orage, j’ai vu un pigeon titubant. Il était en train de mourir et m’a fait éprouver une réelle et étrange tendresse pour lui. J’ai interprété cette vision de manière mystique : que fait ce type d’oiseau au bord de la mer ? Pourquoi ce volatile transpercé par les rayons du soleil m’apparaît-il avec ses blessures mises en pleine lumière ? L’album parle de l’absence, des béances que l’on ne voit pas, mais qui sont présentes partout et cet animal mourant m’évoque cette idée.

Photo de Sacha Teboul

L’Oiseleur est-il une ode à l’errance, à l’oisiveté ?
Exactement, nous avons commencé à tourner bien en amont de la sortie d’Ici le jour (a tout enseveli), n 2015. Durant cette période d’action nous tentions de maintenir nos têtes à la surface et avons ressenti le besoin de retrouver un bon rythme intérieur. Avec cet album, nous avons construit un refuge, rejoint une terre promise.

Votre hargne se diluant dans l’alcool ou votre noyade dans un regard profond : ce disque est une bouffée d’air où l’élément liquide est très présent. Pourquoi ?
J’ai écrit les textes le long de la Méditerranée, notamment à Naples : l’album ressemble à une cartographie avec jardins, volcans et ruines. C’est une île qui a encore beaucoup de secrets, un lieu fantasmé, un eldorado du Sud où se côtoient l’amour et la mort, les vagues échouant sur la plage et les alignements de crânes du cimetière des Fontanelle.

Comme sur votre premier long format, votre voix reste au premier plan, mais la musique et les textures semblent être le fruit de recherches et expérimentations, surtout à l’écoute de La Fenêtre, presque kraftwerkien…
Nous avons ressenti une réelle frustration à la sortie de notre premier album, n’étant pas allés au bout de nos ambitions au niveau du son. Il a fallut prendre le temps de se perdre. « Let’s Get Lost » comme dirait Chet Baker. Notre quintet a, par exemple, longuement appris à apprivoiser de nouveaux instruments comme le synthétiseur : une vraie jouissance, une ouverture vers d’autres possibles !

On songe toujours à Ferré et Aznavour lorsqu’on écoute votre disque, mais aussi à Christophe, voire à Orelsan, avec L’ivresse, son phrasé hip-hop, sa production…
Avant Feu! Chatterton, nous faisions du rap au lycée ! Sur L’Oiseleur, nous voulions délibérément réaliser un titre trap, façon Young Thug ou Migos, avec une boîte à rythmes TR- 808 et des sons vaporeux actuels. C’est notre culture !

L’Oiseleur a été enregistré à Paris, pour prendre le pouls de la ville, mais il ressemble davantage à « une trouble rêverie » qu’à un recueil de chansons réalistes…
C’est un compliment, merci ! Notre précédent album racontait un incendie, un naufrage, une relation humaine de manière assez factuelle tandis qu’ici, nous nous sommes attachés à l’infime et impalpable vibration qui peut tout faire basculer.

 À L’Autre Canal (Nancy), vendredi 16 mars (avec Catastrophe, dans le cadre de Fair : Le Tour)

À Den Atelier (Luxembourg), samedi 17 mars

À La Rodia (Besançon), mercredi 4 avril (dans le cadre de Fair : Le Tour)

Au Bataclan (Paris), du 9 au 11 avril

Au Noumatrouff (Mulhouse), vendredi 27 avril

À La Laiterie (Strasbourg), mercredi 16 mai

À La Vapeur (Dijon), jeudi 17 mai

 

 

 

 

 

 

 

 

Édité par Barclay (sortie le 9 mars)

universalmusic.fr 

 

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