Pour un fils

Welcome Home. Un titre accueillant pour le troisième album de Cocoon, enregistré non pas à la maison, mais aux USA. Entretien avec celui qui est dorénavant seul aux commandes : Mark Daumail, folkeux fan de rap, auteur d’un disque doux aux accents soul, dédié à son fiston.

 

J’ai des souvenirs assez flous du film Cocoon, sorti au milieu des années 1980, mais je me rappelle qu’il raconte l’histoire de seniors qui retrouvent la vitalité de leurs jeunes années. Votre musique a-t-elle le pouvoir de rajeunir l’auditeur ?

Je n’ai jamais vu le film et n’ose pas le regarder : on m’a dit qu’il n’était pas très bon. Mon public et mes proches me parlent souvent de mes mélodies, assez simples, ludiques, presqu’enfantines… Je ne me compare pas à lui, mais ma principale influence est Paul McCartney : c’est le “Beatle pour les petits”, qui me renvoie à l’enfance, contrairement à George Harrison et John Lennon, davantage “adultes”. Les morceaux de Cocoon s’en ressentent et de manière générale l’enfance est très présente. D’ailleurs, je ne cesse de jouer avec une imagerie naïve, notamment pour le visuel de Welcome Home, réalisé par l’illustratrice américaine Esther Pearl Watson. L’enfance est le nœud de Cocoon.

Vous êtes récemment devenu père : la paternité, qui a été un moteur dans l’écriture de votre dernier disque, vous donne-t-elle un coup de jeune ou de vieux ?

Vous touchez un point sensible. En devenant papa, tu dois prendre tes responsabilités, chose qu’en tant qu’artiste tu cherches à fuir toute ta vie : tu veux la liberté et rien d’autre ! En même temps, ça m’a fait l’effet d’un énorme flashback et j’ai revu mes parents et mes grands-parents. Tout Welcome Home parle de moi en tant que père, fils, petit-fils…

 

Avec ce disque, votre musique a pris de l’ampleur : avez-vous l’impression d’être sorti de votre cocon…

Cocoon a eu trois âges : lorsque j’étais tout seul dans les bars auvergnats et que j’ai sorti mon premier album qui a cartonné ; la période du second album, dans la continuité du premier, avec Morgane Imbeaud, et enfin, le moment où j’ai dû composer en l’absence de Morgane. Je n’avais plus de cocon, alors j’ai eu envie de faire intervenir un orchestre, une chorale. L’album est né à une période délicate de ma vie, avec mon fils qui arrive au monde fragilisé par des problèmes cardiaques. Cet épisode douloureux m’a conduit à vouloir intégrer des éléments gospel, chaleureux, rassembleurs…

Vous êtes alors allés à la rencontre de Matthew E. White, colosse auteur de magnifiques albums cuivrés, façon Motown…

À l’hôpital, nous écoutions de manière obsessionnelle l’album de Natalie Prass, produit par Matthew qui travaille avec cinq musiciens. Une fois mes maquettes finalisées à Bordeaux et mes voix enregistrées à Berlin, j’ai voulu ajouter ce supplément d’âme, cette touche gospel. Sans trop y croire, j’ai envoyé mes morceaux à Matthew E. White, fils de missionnaires au physique de géant, qui m’a tout de suite demandé de prendre l’avion afin de le rejoindre en Virginie pour quinze jours. Là-bas, tout a été simple : les chœurs, les arrangements soul, la rencontre avec Natalie Prass… Nous sommes devenus copains et allons continuer à travailler ensemble. C’est génial pour moi, petit frenchie, d’avoir pu bosser avec un Américain de son envergure. Dans le passé, j’ai contacté Bon Iver ou Sufjan Stevens, mais je me prenais toujours de gros vents car je n’avais pas le niveau. Cette fois, c’était la bonne ! Beaucoup de gens passaient dans le studio de Matthew et ont joué sur mon disque, un peu par hasard, même un musicien de Kanye West ! Ces personnes ont le même âge que moi, la trentaine, mais tous jouent comme s’ils avaient 60 balais, ils ont “le son” dans leur ADN. Nous sommes biberonnés à Goldman et eux à Neil Young !

Vous avez repris OutKast ou Kanye West et êtes fan d’artistes esthétiquement très éloignés de l’univers de Cocoon. En quoi nourrissent-ils vos compositions ?

Le rap est actuellement la musique la plus novatrice. J’adore PNL : textes très bien écrits, musique hyper intéressante… Je n’ai envie d’écouter que ça ! Drake, c’est fantastique et j’aurais adoré être Kanye West, mais je ne suis pas né au bon endroit et n’ai pas la bonne voix. Pour m’amuser, je fais des productions pour des rappeurs, mais avec une guitare à la main, c’est vraiment moi. Dans le hip-hop il y a un jusqu’auboutisme qui m’inspire beaucoup, tout comme les drums de Dr. Dre.

 

Sur votre dernier album, un titre rivalise avec votre tube de 2007, Chupee. Il s’intitule I can’t wait… Vous êtes impatient ?

Pas spécialement, mais lorsque j’étais à l’hôpital avec mon fils, je pensais : « J’en ai marre d’attendre qu’on joue ensemble, qu’on fasse des trucs de papa avec son petit… Je veux que tu guérisses vite ! »

 

Et aujourd’hui, il va bien ?

Oui, sinon je n’en parlerais pas si facilement.

 

À La Gaité Lyrique (Paris), mardi 8 novembre

www.gaite-lyrique.net

 

À L’Autre Canal (Nancy), mardi 6 décembre

www.lautrecanalnancy.fr

 

À La Laiterie (Strasbourg), mercredi 7 décembre

www.artefact.org

 

À La Rodia (Besançon), jeudi 8 décembre

www.larodia.com

 

À La Cartonnerie (Reims), vendredi 3 février 2017

www.cartonnerie.fr

 

À La Cigale (Paris), samedi 25 février 2017

www.lacigale.fr

Welcome Home, édité par Barclay

www.universalmusic.fr

Photo de Yann Orhan (peinture d’Esther Pearl Watson)

Le dernier album de Matthew E. White se nomme Fresh Blood (édité par Spacebomb Records / Domino en 2015). Il a produit l’album éponyme de Natalie Prass (édité par Spacebomb Records)

www.dominorecordco.fr

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