Pour l’amour du risque

Elle a beau affirmer faire Cavalier seul, Juliette Armanet fédère un large public, au-delà des chapelles. Entretien avec une drôle de dame flirtant dangereusement avec la nostalgie des eighties, avant Nancy Jazz Pulsations.

 

Votre maison de disque m’a demandé de ne pas parler du séjour aux États-Unis que vous vous apprêtez à faire…

Ah… ça n’est pas vraiment un secret, mais j’attends une confirmation donc je ne peux rien dire pour le moment. Mais bon, je ne vais pas me marier avec Richard Gere !

Je n’avais plus entendu parler de lui depuis Pretty woman… 

Il n’est plus tout jeune, mais c’est pas mal de récupérer une deuxième main comme ça !

Difficile de ne pas évoquer Véronique Sanson : est-ce un poids dont il faut se délester ?

Je suis étonnée que tout le monde m’en parle alors que – juré sur la tête de ma mère ! – je n’ai jamais songé à elle lorsque j’ai composé mes chansons. J’ai pensé à Michel Berger, Voulzy, Sheller, Barbara ou à Christophe, mais pas à elle. Avouons que cette comparaison est flatteuse car sa façon d’aborder la musique, sa présence, son incandescence et son manque de concessions imposent le respect. Ça n’a jamais été une midinette yé-yé chantant en mini-jupe : elle a brûlé sa vie et cette intensité est rare.

Avant, les choses étaient simples : on choisissait son camp entre la pop indé et la variétoche de plateau télé, mais à cause d’artistes comme vous, les frontières sont poreuses…

C’est un jeu d’équilibre très complexe et dangereux. Le piano / voix est universel, c’est du songwriting pur : si la chanson est bonne, personne ne se demande si c’est mainstream ou non. Dès qu’on s’attaque aux arrangements, on donne des textures qui s’adressent à tel ou tel public. Les médias ont été bienveillants (Juliette a fait la couv’ des Inrocks, la soirée de la Fête de la Musique sur TF1 ou l’émission On n’est pas couché, NDLR), mais mes morceaux, trop “précieux”, passent peu en radio. Je n’aime pas les niches, les petits ghettos, donc je suis heureuse d’être écoutée par des personnes qui n’ont pas peur de se laisser envahir par les émotions ou de reprendre mes morceaux en chœur et par d’autres, plus mélomanes, qui vont apprécier les arrangements, l’aspect visuel… Faire de la musique populaire, ça n’est pas forcément produire de la soupe : arrêtons de prendre les gens pour des cons !

Les Lucky Strike, les pin’s, le slow, l’usage du mot “funny”, l’expression “petite amie”… Vous tendez la perche pour qu’on vous parle des années 1980…

[Rires] Je ne suis pas fétichiste de cette décennie, mais j’aime son “parfum”, ce grand élan de sincérité dans les paroles des chansons de cette époque. Il y avait une distance, un charme, une légèreté que j’apprécie. Petite amie est en effet très 1980, très californien, à l’eau de rose, mais l’expression évoque un amour adolescent, intense, passionné !

L’ultra moderne solitude est au centre de vos chansons : c’est un mal générationnel ?

Je suis le produit de l’ultra moderne solitude et me sens représentative de cette société où on s’expose tout en se cachant, où on cherche le lien social tout en étant isolé. Nous sommes tous à deux doigts de devenir un objet parmi les objets. Il faut ne pas renoncer à ce qui fait la complexité d’une âme, aux émois tortueux qui n’ont plus beaucoup de place aujourd’hui.

Vous savez – bien – vous entourer : le plasticien Théo Mercier, l’artiste Thomas Lélu, la créatrice de mode Tara Jarmon, Julien Doré, Christophe… Est-ce une manière d’échapper à la solitude ?

Les personnes m’accompagnant comptent, mais c’est la musique qui m’a appris à vivre avec moi-même (et mon piano), à me tenir bonne compagnie. Ceci dit, c’est important de bien choisir les personnes de son équipe de travail.

Sur la pochette de votre album, vous êtes trois fois couronnée : de quoi êtes-vous la reine ?

Je ne suis la reine de rien du tout… sauf peut-être de cœur. C’est une référence à une photo de Catherine Deneuve qui porte une couronne de galette des rois. Nous voulions une image non réaliste, alors nous avons fait appel au strasbourgeois Étienne Chaize qui a créé un visuel à mi-chemin entre l’imagerie populaire et le poster de camionneur !

 

 

 

 

 

 

 

Petite amie, édité par Barclay
universalmusic.fr

À La Cigale (Paris), mercredi 11 octobre et dimanche 26 novembre
lacigale.fr

Au Parc de La Pépinière (Nancy), samedi 21 octobre, dans le cadre de Nancy Jazz Pulsations nancyjazzpulsations.com

Au Moulin de Brainans, mercredi 25 octobre
moulindebrainans.com

Au centre culturel Paul B (Massy), mercredi 1er novembre, dans le cadre du festival Les Primeurs
paul-b.fr

À La Laiterie (Strasbourg), mardi 12 décembre
artefact.org

À La Rockhal (Esch-sur-Alzette, Luxembourg), mercredi 13 décembre
rockhal.lu

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