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Maximum Sensation, mounir fatmi

À la Fondation Fernet-Branca se déploie une partie de la collection de David Brolliet. Parcours dans un cabinet de curiosités rassemblant quelque 150 pièces où se croisent de grands noms de l’Art contemporain.

« Je collectionne depuis mes 18 ans » assure David Brolliet. Quarante ans plus tard, le Genevois bien né a rassemblé plus de 700 pièces. « J’achète avec mon cœur, plus qu’avec mon porte-monnaie. Il est essentiel pour moi de rencontrer l’artiste, de parler avec lui », assume-t-il dans un univers où les œuvres sont devenues des placements lambda. « Les conseillers et autres Art advisors ne m’intéressent pas. Je fuis ceux qui disent : “Acquiers ça aujourd’hui, dans cinq ans, sa valeur sera multipliée par dix”. » Lui aime partager, rencontrer, débattre : « Le collectionneur est un passeur, un lien », explique celui qui est engagé au sein de l’Adiaf1. Cette vision irrigue une exposition extrêmement dense où se retrouvent des icônes de l’Art contemporain que son « père nommait, moqueur, l’Art comptant pour rien. Lui aimait des dessins d’André Dunoyer de Segonzac, Maurice Barraud ou encore Raoul Dufy. »

Mise en abyme : David Brolliet devant le tableau de Julien Beneyton le représentant (2005). Photo de René Bohn pour Poly.

Arpentant foires, galeries et autres ateliers, David Brolliet achète compulsivement. S’il fallait – outre la passion – trouver un fil directeur à sa collection, on noterait un penchant pour l’engagement politique et un tropisme pour l’Afrique. Se découvrent en effet des œuvres de Pascale Marthine Tayou, Abdoulaye Konaté, Omar Ba – « que je connais depuis longtemps, bien avant qu’il soit chez Templon2 », Fally Sene Sow ou encore Meschac Gaba avec un tabouret composé de… Francs CFA pilonnés, illustration délicate et caustique de la “France à fric”. Au fil des salles, dans un accrochage dense – « Je déteste les murs vides », se marre le collectionneur – se nichent quelques icônes comme une Fat car d’Erwin Wurm qui crée des objets ironiquement obèses, un immense diptyque où Sylvie Fleury recycle Mondrian version fourrure synthétique, une saynète pleine d’humour noir de Jake et Dinos Chapman, un inquiétant et génial buste en pyrite de Daniel Arsham ou encore deux skateboards recouverts de tapis de prière signés mounir fatmi3.

Buste en pyrite de Daniel Arsham. Photo de Claire Dorn

Mais l’expo fourmille aussi de plasticiens moins connus, comme le duo formé par Karim et Luc Berchiche sous le nom de La Fratrie. Est présenté un de leurs mondes en miniature, à la fois parfait et profondément déséquilibré, qu’on pourrait rester des heures à contempler. Lorsqu’on demande au collectionneur quelle est son œuvre préférée, il répond du tac-au-tac : « Impossible à dire ! ». On choisira pour lui un émouvant Pola’ de Vanessa Beecroft, artiste culte des nineties aujourd’hui au creux de la vague illustrant les impitoyables fluctuations du marché, étant bien entendu que l’ensemble de la collection est une étonnante Gesamtkunstwerk. « Vous savez ce qu’on dit ? Un collectionneur est un artiste raté », conclut David dans un éclat de rire.


1 Association pour la Diffusion Internationale de l’Art Français qui organise notamment le Prix Marcel Duchamp – adiaf.com
2 Une galerie majeure sur la scène internationale – templon.com
3 Voir Poly n°151

À la Fondation Fernet-Branca (Saint-Louis), jusqu’au 30 septembre
fondationfernet-branca.org

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