Pirates d’opérette

© Tristram Kenton

Le temps d’une production de The Pirates of Penzance de Gilbert et Sullivan, génial duo de l’ère victorienne à qui l’on doit des opéras comiques comme H.M.S. Pinafore, Mike Leigh (né en 1943) a délaissé les plateaux de cinéma. Entretien avec le lauréat de la Palme d’Or du Festival de Cannes pour Secrets and Lies et récent auteur de Mr. Turner.

En France, les œuvres du compositeur Arthur Sullivan et de son librettiste William S. Gilbert sont presque inconnues. Comment décrire ce duo culte dans le monde anglophone ? Les opéras comiques écrits par ce duo – quatorze en tout – sont, pour simplifier, l’équivalent britannique à l’ère victorienne de ceux d’Offenbach en France. Ils ont débuté en 1871 alors que l’auteur de La Périchole était à la fin de sa vie et avait déjà donné La Belle Hélène, La Vie parisienne ou La Grande-duchesse de Gérolstein.

Comment expliquer leur immense succès en Angleterre ? C’est un des rares cas, dans l’Histoire, où le librettiste est aussi connu que le compositeur : c’est Gilbert et Sullivan. Les mots sont indissociables de la musique, ils fusionnent, leur rythme est identique… Le duo appartient désormais au fonds culturel commun du monde anglophone. Ils ont eu une influence déterminante, puisque tous les grands auteurs américains de comédies musicales du XXe siècle – comme Richard Rodgers et Oscar Hammerstein – les ont considérés comme leurs pères spirituels.

Ce duo vous fascine depuis longtemps. Vous avez même consacré un film Topsy-Turvy (1999), à la genèse d’une de leurs pièces emblématiques, The MikadoJ’ai grandi avec eux : pour moi, ils sont aussi importants dans la culture populaire qu’Alice au Pays des merveilles de Lewis Carroll ou les romans de Charles Dickens. C’était très naturel de raconter leur histoire… Monter une de leurs œuvres sur la scène de l’English national Opera était quelque chose de moins évident. Il s’agissait d’une première pour moi.

Vous aviez pourtant décidé, après l’échec d’une production de La Vie de Galilée de Brecht en 1970, de ne plus jamais mettre en scène le texte d’un autre. En 1999, vous déclariez en outre : « Je ne dirigerai jamais un opéra de Gilbert et Sullivan ». Il ne fait jamais dire jamais… Exactement ! La production de Brecht au Bermuda Arts Festival n’a pas été un désastre parce c’était un texte écrit, elle a été un désastre… parce qu’elle a été un désastre ! (Rires) Ensuite, je n’ai cessé d’écrire – pièces ou scénarios – parce que j’aime mettre des choses au monde dans leur globalité. Monter The Pirates of Penzance m’a néanmoins attiré, c’était comme une “digression” dans mon travail au cinéma. J’y ai pris beaucoup de plaisir mais ce n’est pas pour cela que j’y retournerai.

Sullivan écrit une musique très inventive, parodiant de manière jubilatoire l’opéra italien ou français : ne pensez-vous pas qu’il ait souffert de cette image d’easy listening, lui qui rêvait d’être un compositeur “sérieux” ? C’est un des grands drames de l’existence de cet élève de Mendelssohn ! Il a écrit des partitions sérieuses – comme l’opéra Ivanhoé – mais n’a connu le succès qu’avec ses œuvres légères réalisées avec Gilbert grâce auxquelles il a gagné beaucoup d’argent. Plutôt que The Pirates of Penzance, je pense qu’il aurait rêvé de composer Der Fliegende Holländer.

Pourquoi avoir choisi cette histoire abracadabrante d’un enfant placé en apprentissage chez des pirates au grand cœur, s’achevant de manière très morale, qui rappelle, par bien des aspects, Les Brigands d’Offenbach ? J’aime cette musique pétillante et limpide au service d’une histoire compacte et simple. J’avais bien envie de monter Iolanthe, mais le sexisme qui irrigue l’œuvre est un peu trop violent !

Quels ont été vos choix de mise en scène ? Le décor est très graphique et extrêmement simple, il évolue de manière très cinématographique. Mon rôle s’est résumé à être fidèle à l’esprit de l’œuvre. Je n’avais aucun intérêt à me mettre en avant – à justifier mon existence, en quelque sorte – en transposant, par exemple, cette histoire typiquement victorienne dans un vaisseau spatial ou dans le Chicago des années 1930. Ça n’aurait servi à rien. Il fallait laisser l’œuvre respirer le plus naturellement possible.

Après cette parenthèse opératique, vous allez revenir au cinéma : quel sera le sujet de votre prochain film ? Ce sera un film historique sur un événement qui s’est déroulé en 1819, à Manchester : le massacre de Peterloo, une manifestation pacifique qui s’est achevée dans le sang.

À Luxembourg, au Grand Théâtre, vendredi 16 et dimanche 18 octobre (dans le cadre du Luxembourg Festival (du 7 octobre au 25 novembre)

+352 (0)4708 95 1 – www.lestheatres.lu

www.luxembourgfestival.lu

À Sarrebruck, au Saarländisches Staatstheater, du 22 novembre au 29 janvier

+ 49 (0)681 30 920 – www.theater-saarbruecken.de

 

 

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