Panorama du trait

Charles Avery, Untitled (Boy Showing Eels to Tourists), 2015, Tempera und Wachs auf Papier, 57 x 77,5 cm, Collection Florence et Daniel Guerlain, Paris, Foto : André Morin, Courtesy Ingleby Gallery, Edinburg © VG Bild-Kunst, Bonn 2018

Avec Autofictions – Dessin contemporain, le Wilhelm-Hack- Museum dresse un aperçu des tendances actuelles par le prisme du prix créé par les collectionneurs Daniel et Florence Guerlain.

Plus de 160 œuvres d’artistes de renommée internationale – ayant été distingués depuis 2006 par le Prix de
dessin de la Fondation d’Art contemporain Daniel et Florence Guerlain – sont au menu de cette immense exposition à Ludwigshafen, ville jouxtant Mannheim. Collages, aquarelles et techniques mixtes trouvent place à côté d’autres visant à produire directement une œuvre sur papier, excluant les procédés numériques et d’impression. Le parcours se divise en quatre espaces. L’Éloquence de la ligne ouvre le potentiel narratif de créations pourtant abstraites : des trouées de traits d’un Thomas Müller aux superpositions de calques formant un Ensemble de Buildings chez Susan Hefuna comme autant d’évolutions et de strates de possibles. La frontière entre le réel et son double se dissout un peu plus dans NYC où les signes et grilles au crayon graphite de l’artiste germano-égyptienne se multiplient, formant des èches directionnelles qui se contredisent. En filigrane, on déchiffre en lettres brodées que « l’absence toujours continuera pour toujours. » La ligne est cet espace intime de la pensée se prêtant aux projections des auteurs et regardeurs.

Hans Op de Beeck, Amusement Park, 2017, Aquarell auf Papier mit Vergé-Rippung, 82,5 x 82,5 cm, Collection Florence et Daniel Guerlain, Paris, Foto & Courtesy Studio Hans Op de Beeck, © VG Bild-Kunst, Bonn 2018

La section Réflexions intimes se veut le reflet d’états émotionnels agités à l’instar de l’Idéologie de Jean- Luc Verna répandant sa fumée noire, telle un monstre submergeant un jeune lecteur. Une fois son dessin fini, l’artiste et performer le photocopie, l’enduit de produits chimiques pour transférer l’image sur une feuille de papier vieilli. Pour sa part, Anne-Marie Schneider ne présente que des bouts de corps colorés. Le hors-champ importe pour réduire les interprétations, plus ou moins violentes, sexuelles ou…drôles. Quant aux Mythologies privées, elles font la part belle au mélange de trajectoires personnelles avec les champs politiques, culturels et sociaux. Cameron Jamie déploie ses étranges portraits de bestioles façon Rorschach dans un hommage inspiré et angoissant, là où Tomasz Kowalski aligne ses silhouettes longilignes aux immenses jambes, comme un substrat de nostalgie pour l’expressionnisme d’un siècle révolu.

Marcel Dzama, Cannot justify my recordings, 2014 © Achim Kukulies, Courtesy of the artist, David Zwirner, New York/London/Hong Kong and Sies + Höke, Düsseldorf

Arrive enfin Storytelling, cette réinvention du récit à l’aune des infox et du tout communication. Charles Avery bouscule la narration en multipliant les détails – en apparence anodins – dans un style proche de l’illustration pure ou du récit graphique. Hans Op de Beeck produit de saisissantes vues de nuit en aquarelles noir et blanc. La lumière de ses peintures captive par son romantisme de décor lynchéen où tout peut arriver, comme dans les mythologies intemporelles de festivités masquées de Marcel Dzama. Elles oscillent entre Nuit des rois et soupçon de dérapage façon Orange mécanique. Elles forment ces incertitudes qui créent les plus grands plaisirs.


Au Wilhelm-Hack-Museum (Ludwigshafen) jusqu’au 24 février 2019

wilhelmhack.museum

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