Night show

Photo de Julien Mignot

Radiate de la reimoise Jeanne Added1 est comme un phare balayant le ciel dans la pénombre, un projecteur dans la noirceur d’un dancefloor. Entretien en clair-obscur.

Votre nouvel album, Radiate, n’est pas un remake du premier : il est bien plus radieux que le précédent, Be Sensational. Pourtant, vous prétendez vouloir doubler le temps de la nuit dans Before the Sun…
Jamais l’un sans l’autre, la lumière sans l’obscurité. Musicalement, en termes de sonorités, je ne trouve pas que ce qui est lumineux soit très intéressant. J’aime la nuit, le moment du rêve, de la non conscience, la coupure avec le quotidien et l’endroit de la réinvention de soi et du monde. Lorsque le jour disparaît, le réel change de saveur.

C’est également le moment de la fête. Ont-elles guidé l’écriture de ce disque, plus club ?

Un peu oui, ainsi que ma reconnexion avec la danse, sur scène où lors de soirées : celles-ci imaginent un monde parallèle où l’on s’accepte et accepte l’autre, avec une certaine douceur qui existe moins dans la vie de tous les jours. La musique électronique ne fait pas de grands discours. Sans bavardage, elle s’adresse à ton inconscient et te fait du bien. Ces derniers mois, ce genre musical m’a le plus touchée : Daniel Avery, Paula Temple et évidemment Maestro2 qui a travaillé sur la production de mon disque. Le son est très bien entré en phase avec le sens grâce à notre collaboration, même si ça n’était pas le but du jeu au départ.

Avec Mutate, le sens et le son sont en effet parfaitement associés : ce morceau, où il est question de mutation, évolue d’une ambiance mélancolique à une transe technoïde…
Peut-être, mais ça n’était pas prémédité car je n’apprécie pas trop lorsque la musique est illustrative. La thématique de la mutation me touche particulièrement car je me sens constamment en train de bouger, d’être en mouvement permanent. Plus tu ouvres tes capteurs, plus tu reçois et mutes. C’est lié à mes rencontres et mon environnement. Le point de départ de cette chanson vient du livre de Maurice G. Dantec, Babylone Baby, où il y a ce personnage en contact exponentiel avec le l’univers. C’est une sorte d’Aleph de Jorge Luis Borges : un point où le monde entier, à tout moment, se trouve.

Dans vos morceaux, on dirait que vous livrez bataille. Contre qui ou quoi ?
Contre moi ! Quand tu t’énerves après quelqu’un, c’est que tu t’agaces toi-même en général.

Donc l’Enemy évoqué dans votre chanson, c’est vous ?
Bien sûr, c’est toujours soi le souci. Mais au moins, je suis la seule personne que je peux changer !

Avez-vous cherché à désapprendre ce que vous avez étudié (le chant et le violoncelle) aux Conservatoires de Reims et de Paris ?
J’ai surtout appris, au moment de l’écriture de mon premier album, à simpli er, me recen- trer… ce qui est dif cile lorsqu’on a beaucoup d’outils à sa disposition. C’est comme pour un trompettiste ou un saxophoniste : à partir du moment où tu sais chanter, tu peux parodier qui tu veux, Dalida ou Shakira. L’imitation fait partie de l’apprentissage. Trouver ta propre voix, savoir comment tu “sonnes”, s’avère net- tement plus difficile et nécessite un travail plus profond, plus compliqué.

Vous êtes donc capable de me faire Dalida, là, maintenant, tout de suite ?
Oui, bien sûr, mais hors de question que je vous fasse Dalida, ni Shakira d’ailleurs ! Un autre jour peut-être…

 


À La Cartonnerie (Reims), jeudi 15 novembre

cartonnerie.fr
À La Laiterie (Strasbourg), vendredi 16 novembre
artefact.org
À Den Atelier (Luxembourg), dimanche 16 décembre
atelier.lu

1 Voir notre article dans Poly n°203 ou sur poly.fr au sujet du festival Entrevues de Belfort pour lequel Jeanne Added était marraine du Prix Eurocks One + One (cette année, il s’agit de Fishbach, lire page 20)
2 En concert lors du festival Musiques Volantes

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