Mourir ou ne pas mourir

Photo : Christian Dresse (Opéra de Marseille, juin 2010)

Après Louise de Charpentier la saison passée, l’Opéra national du Rhin poursuit son exploration des pages méconnues du répertoire opératique français avec Hamlet d’Ambroise Thomas.

En s’emparent de l’œuvre de Shakespeare, Ambroise Thomas (1811-1896) choisit de lui donner une fin différente, puisque dans ce “grand opéra” à la française Hamlet devient roi à la place de son beau-père, sa mère entrant au couvent. Et ce ne sont pas les seules modifications… même s’il existe une version dite “de Covent Garden” où Hamlet meurt à la fin, destinée à être exportée outre-Manche. C’est cette dernière que nous entendrons à Strasbourg. Happy end au pays de la tragédie absolue ? Vincent Boussard (qui a déjà monté Frühlings Erwachen et Louise à l’Opéra national du Rhin) relativise cette affirmation : « Il semble vraiment que le désir du compositeur ait été d’écrire une partition d’un dramatisme qui semble avoir outrepassé le langage habituel qui était le sien, non sans une certaine forme d’étrangeté pour le public de l’époque. » Le metteur en scène plonge ses personnages dans un décor glacé fait de mûrs nacrés gagnés par la moisissure (rappelant la fameuse réplique : « Il y a quelque chose de pourri dans le Royaume du Danemark »), instillant un romantisme onirique et parfois fantomatique qui hésite entre intemporalité et poésie mortifère très XIXe siècle (en raison des costumes, principalement).

Mais aujourd’hui, Ambroise Thomas demeure bien oublié… Prix de Rome en 1832, le natif de Metz est pourtant un compositeur prolixe qui eut un succès stratosphérique il y a 150 ans. Si Carline (1840), Le Guérillero (1842) ou Le Comte Carmagnola (1841) n’évoquent plus rien (ou presque) à personne, Mignon (1866), représenté plus de mille fois à l’Opéra Comique, et Hamlet (1868), qui connut plus de 200 levées de rideau à Paris, font figure de “tubes” du Second Empire. Mais comment caractériser la bande-son de cette époque ? Faut-il se fier au fameux mot de Chabrier ? Railleur en diable, il expliquait : « Il y a trois sortes de musique : la bonne, la mauvaise et celle d’Ambroise Thomas. » Pas entièrement… Ce dernier n’a sans doute pas eu la postérité qu’il méritait, en partie à cause de son statut de “compositeur officiel”, lui qui fut directeur du Conservatoire de Paris de 1871 à 1896… mais aussi parce qu’il a fait le choix du conservatisme, refusant les innovations des trublions de l’époque, qu’ils se nomment Richard Wagner – « trop allemand pour nous » écrivait-il en 1896 dans Gil Blas – ou César Franck. Cependant, si Ambroise Thomas demeure conventionnel, son style ne peut se réduire à un filet bourgeois d’eau tiède, un équivalent musical du Biedermeier pour simplifier. Ce serait laisser de côté tout un pan d’une œuvre qui oscille entre légèreté, charme, maitrise et magnificence. Comment, par exemple, ne pas se laisser transporter par la beauté de l’air de l’Acte V, Comme une pâle fleur ?

À Strasbourg, à l’Opéra, du 19 au 28 juin

08 25 84 14 84 – www.operanationaldurhin.eu

 


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