Monde foot foot foot

Illustration d'Éric Meyer pour Poly

« Le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités », écrivait Albert Camus. Une phrase qui pourrait faire office de devise d’un été au cours duquel nous slalomerons, à n’en pas douter, entre Coupe du monde en Russie (débutant le 14 juin) et festivals, concerts, expositions et autres sorties présentés dans les pages qui suivent, étant bien entendu que les deux sphères ne s’excluent pas. Certains persistent cependant à penser que l’archétype de l’amateur de foot est une sorte de beauf au cerveau ankylosé sorti d’un album de Cabu, avachi devant son poste, une canette de Kro dans une main, la télécommande dans l’autre, et un ravier graisseux rempli de cahouètes ou de Mélange Télé (concocté par la maison Belin) posé sur l’accoudoir. Ils se trompent lourdement, négligeant bien des aspects dudit sport qui ressemble à une tragédie antique sur gazon avec ses affrontements homériques : le Mondial débute, par exemple, avec un match entre Russie et Arabie saoudite aux puissantes résonances géopolitiques, sur lequel planent les fantômes de la Syrie. Sur le terrain se croisent des héros à l’armure rutilante tendance gendre idéale (n’est-ce pas Hugo Lloris), de perfides paladins passés de l’autre côté de la Force (salut à toi Karim Benzema qui ne sera pas du voyage en Russie à cause d’une sextape) ou encore des personnages ambivalents, les plus intéressants. Au nombre de ceux-ci, Adrien Rabiot est un cas d’école : alors qu’il a débuté sa carrière comme le gentil garçon propret qui aurait pu jouer dans un film de Christophe Honoré, le milieu du PSG est en train de virer rebel without a cause. La raison ? Un comportement de gosse gâté qui, paradoxalement, lui confère une épaisseur supplémentaire… et nous réjouit. Alors oui, on peut avoir de puissantes sensations esthétiques au cours d’un match de foot et plonger dans l’extase wagnérienne ou être absorbé par Woyzeck de Büchner. Il suffit de se souvenir des vers d’Henry de Montherlant dans Les Olympiques: « Il court, il est talonné et il y a en lui quelque chose d’immobile / Ses yeux sont baissés sur le ballon comme sur la page de Virgile. »

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