Minuscule

Petits mondes : une visite chez les Lilliputiens ? Cette exposition rend compte d’un genre en vogue au début du XVIIe siècle : des peintures miniatures représentant des scènes à observer à la loupe. Bienvenue dans un univers riquiqui, mais esthétiquement costaud.

Petit, petit, petit, tout est mini dans cette exposition rassemblant une quarantaine de miniatures conservées au Cabinet des Estampes et des Dessins. Sous Hans Haug, directeur des Musées strasbourgeois de 1946 à 1963, ces minuscules œuvres faisant parfois 4 cm de diamètre, réalisées sur parchemin, se retrouvent aujourd’hui aux cimaises du Musée de l’Œuvre Notre-Dame, au même titre que les fragiles natures mortes de Sebastian Stoskopff. Celui-ci fut, tout comme Johann Wilhelm Baur, l’élève de Friedrich Brentel, maître resté dans l’ombre (pour l’instant) de ceux qu’il a instruit. Brentel est considéré comme « le chef de file de la peinture en miniature à Strasbourg », affirme Florian Siffer, attaché de conservation au Cabinet des Estampes. Ce « leader charismatique des arts graphiques » est « le centre de gravité » d’une école de la miniature strasbourgeoise. Attirant de nombreux disciples venant de tout l’Empire germanique en son atelier, il théorisa le genre avec un traité sorti en 1642. À cette période, les miniatures, descendants de l’enluminure médiévale, ont le vent en poupe, permettant à leurs propriétaires de les transporter ou de les accumuler en des cabinets de curiosités, eux-mêmes des microcosmes, condensés des choses du monde artistique ou scientifique.

Diane et Actéon (1620) de Brentel utilise le mythe comme un prétexte à un beau paysage avec ruines rongées par la nature et arbres majestueux s’élevant vers les cieux, montrant le talent de cet artiste méticuleux pour la réalisation de petits formats hyper détaillés et son goût pour les couleurs chatoyantes : on peut parler du “rose Brentel” comme on dit “bleu Klein”. Souvent, le graveur de formation fait des interprétations de chefs-d’œuvre, comme le Jugement dernier de Michel-Ange qu’il a découvert… via des reproductions d’autres artistes : ainsi il représente une Chapelle Sixtine synthétisée et colorée selon sa propre palette. Pour Florian Siffer, il s’agit dans ces cas-là de « copies créatives ». L’exposition montre également des tableautins du strasbourgeois Johann Wilhelm Baur qui ira notamment à Rome, à la rencontre du Cardinal Mazarin, un de ses plus grands fans, et de Johann Nikolaus Gasner (1637-après 1680). Cet artiste de Francfort est auteur d’un magnifique et inquiétant Paysage héroïque (seconde moitié du XVIIe siècle) avec sombres nuages, cours d’eau et cascades dans un camaïeu de gris. Un paysage hostile et imaginaire, « digne d’Interstellar ».

Par Emmanuel Dosda

 

Au Musée de l’Œuvre Notre-Dame (Strasbourg), jusqu’au 16 janvier

www.musees.strasbourg.eu

 > Neuvième numéro du Cabinet de l’Amateur dédié à Petits Mondes, édité par les Musées de la Ville de Strasbourg (9 €)

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