MAD in nowhere

Ni strictement dans le champ du design, ni vraiment dans celui des arts plastiques, l’association strasbourgeoise MAD défend, lors d’expositions, un design “borderline” empiétant allègrement sur le terrain de l’art contemporain.

Il faut être fou pour se lancer dans pareille entreprise… Depuis l’an passé, avec MAD (Mad about Art & Design), Anne-Virginie Diez, historienne de l’art spécialiste en sculpture du XXe siècle, et Serge Schielin, designer indépendant au sein de 4.4 Design, cherchent à partager leur passion commune pour le « design intermédiaire », héritier de Gaetano Pesce ou Etorre Sottsass, brouillant volontairement les pistes et donc difficile à identifier, à définir. Pas uniquement fonctionnel ou esthétique, il est aussi conceptuel, chargé de sens, cultivant l’ambiguïté de son statut… hors catégories.

Depuis 2006, Serge Schielin réalise des objets « engagés », au-delà de la forme et de la fonction, des assemblages de différentes pièces, selon l’art du détournement. Il fait tenir « de véritables discours » à des luminaires « pas complètement muets comme ceux de chez Ikea ». À l’occasion du Parcours du design 2009, organisé par la Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg, il expose ses pièces auto-produites (« “d’auteur”, par opposition à un design “de commande”, lié à l’industrie ») ainsi que d’autres, réalisés par de grands noms comme Maarten Baas ou Jurgen Bey, à la frontière de l’art contemporain. En septembre 2009, en compagnie notamment d’Anne-Virginie Diez qui intervient au Frac Alsace et au Musée Würth, il profite des Assises de la culture de la Ville de Strasbourg pour poursuive cette réflexion sur Ce design qui ne dit pas son nom (intitulé de la discussion). À la marge, « par bien des entrées, il évoque une démarche artistique. »

« Définir ce design intermédiaire. Approfondir pour savoir pourquoi il existe, ce qu’il veut dire. » Telle est la volonté de Serge et Anne-Virginie qui, en 2010, créent l’association MAD afin de rendre visible et lisible cette tendance. « Comment qualifier ce design, jusqu’où peut aller le designer dans sa proximité avec l’artiste…? », s’interroge MAD, occupant dès lors l’espace d’exposition prêté par la collectionneuse Madeleine Millot-Durrenberger, laissé libre par La Chambre (qui organise aujourd’hui ses expos photos un peu plus loin, place d’Austerlitz). Ce design “qui ne dit pas son nom” n’a pas un rapport neutre au réel : tour à tour « ironique, subversif, humoristique ou engagé », il permet de lire le monde autrement, favorisant une « prise de distance pour une prise de conscience ». Anne-Virginie Diez poursuit : « Comme l’art s’est interrogé sur ce qu’est l’art, le design questionne le design ! » Et de prendre l’exemple de la célèbre chaise Thonet, inventée au milieu du XIXe siècle et revisitée par Pablo Reinoso : « On ne peut plus s’y assoir, elle va contre la définition de son propre domaine. »

Les expositions – thématiques – de MAD regroupent des travaux de “designers intermédiaires”, mis en relation avec des propositions plastiques (objets, mais aussi photos, vidéos, etc.) et en lumière par des rendez-vous (entre artistes, public, spécialistes…), « la partie théorique », très importante aux yeux du duo. Elle permet d’approfondir les thèmes abordés et de questionner, parfois en profondeur, ce design spécifique : « Jusqu’où, par exemple, le designer, empruntant la liberté de l’artiste, peut aller, avant de, peut-être, tomber dans l’immatérialité pure ? » Pièces à convictions, première expo de MAD, réunissait designers et plasticiens autour du sujet de la violence urbaine fantasmée (le fameux “sentiment d’insécurité”) ou réelle. Alain Jost y a présenté ses parapluies / matraques, permettant de se protéger… des précipitations comme des agressions. Objets du désir, second événement de MAD, à caractère érotique cette fois-ci, confrontait des œuvres, toujours dans une grande diversité de médiums, de matériaux et de formes, nous faisant aller de l’appétit sexuel jusqu’à la violence et au crime, d’Éros à Thanatos. On y découvrit les sextoys stylés d’Yves Behar, évoquant Hans Arp et présentés sur des socles. Majestueuses sculptures à exposer, obscurs ustensiles de plaisir ?

Les prochains auteurs d’« indicateurs de tendances sociales ou philosophiques » conviés ? MAD espère présenter la démarche atypique de Robert Stadler, membre de Radi Designers qui, selon Serge Schielin, « marche comme un funambule sur la crête entre le versant design et le versant art ». Les futures thématiques porteront sans doute sur la foi – « le mysticisme, la religion, la croyance… » – ou le temps qui s’égraine – « le cycle de vie, humaine ou d’un produit »…

MAD, 27 rue Sainte-Madeleine, à Strasbourg – m.a.d@orange.fr

 

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