Liberté d’expression

Le cabinet d’Art graphique du MAMCS regroupe pour la première fois L’Expression gravée de Penck, Lüpertz et Kirkeby en mêlant des impressions de voyage, des vanités et même des pochettes de 33 tours. Visite guidée sur un air de free jazz.

L’accrochage rassemble les œuvres de trois peintres considérant la gravure comme un art majeur : A. R. Penck, Markus Lüpertz et Per Kirkeby, regroupés dans les années 1960 par le galeriste allemand Michael Werner, leur mécène. Des plasticiens néo-expressionnistes qui, aux côtés de Jörg Immendorff ou de Georg Baselitz, ont à l’époque « réagi à l’hégémonie de l’art conceptuel et minimal en revendiquant la subjectivité de l’artiste et en prônant le retour d’un art expressif et figuratif, à des techniques traditionnelles ». La conservatrice Marie-Jeanne Geyer nous invite d’abord à découvrir une donation récente : une série de Penck réalisée au cours d’un voyage auprès du collectionneur israélien Joshua Gessel, une expédition en terre sainte (Expedition to the Holy Land) entreprise en 1983. Ces quinze grands formats rendent compte, à travers un large panel de techniques (eau-forte, lithographie, sérigraphie ou aquatinte), de ses expériences et sensations. Dans le triptyque qui ouvre l’exposition, il utilise la pointe sèche avec vigueur, comme un crayon dans un carnet de croquis. La violence s’exprime dans ses planches témoignant de ce que l’artiste a vu dans les Kibboutz, montrant des hommes armés, évoquant le danger qui planait en permanence sur la contrée. Parmi les détails fourmillants, on décèle le vocabulaire propre à l’artiste, rappelant la peinture rupestre qui l’a influencé : symboles pictographiques, personnages bâtons… autant d’éléments issus de son langage « universel, compréhensible par tous ». Les autres estampes de la salle sont habitées par des êtres colorés s’opposant farouchement, des formes labyrinthiques exprimant la complexité des conflits frappant la région, traduisant l’inextricabilité de la situation politique. L’impression de chaos persiste lors de la découverte des pochettes de Tiple Trip Touch – groupe dans lequel Penck officiait dans les années 1980 – illustrées par l’artiste. Hanté par les sonorités free jazz syncopées et alambiquées dans laquelle la salle est plongée, le visiteur se débarrasse de son malaise une fois passées les magnifiquement terrifiantes Vanitas de Lüpertz, lorsqu’il pénètre les « strates géologiques » de Kirkeby, s’imprégnant de ses beaux paysages imaginaires et colorés.

À Strasbourg, au Musée d’Art moderne et contemporain, jusqu’au 19 janvier

03 88 23 31 31 – www.musees.strasbourg.eu

A. R. Penck, Conversation (série Expedition to the Holy Land, 1983)

© ADAGP Paris 2013 / Photo de Mathieu Bertola

 

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