Let it beat

Portrait de William S. Burroughs devant le Théâtre Odeon, 1959 © Brion Gysin

Le Centre Pompidou-Metz revisite l’histoire de la Beat Generation et de sa figure tutélaire Allen Ginsberg à travers une exposition numérique en forme de voyage mental dans une forêt d’écrans.

Allen Ginsberg (1926-1997), devant un portrait d'Arthur Rimbaud, dans la chambre 25 du Beat Hotel, déˆcembre 1956 © Harold Chapman

Pour la première fois en Europe, une exposition multimédia rend un hommage complet à la Beat Generation, mouvement littéraire et artistique sans précédent qui dans les années 1950 plaça la liberté au centre de tout. Nombreuses sont les étoiles hallucinées et hallucinantes de ce groupe contestataire et anticonsumériste : Allen Ginsberg, Jack Kerouac, Brion Gysin, William S. Burroughs ou encore Neal Cassady et Gregory Corso. Des poètes comme on les rêve, libres et impertinents, lumineux de rage et de révolte, archéologues du réel armés de mots. Depuis un ilot central servant de canapé et de station d’accueil pour iPods, vous pouvez vous asseoir aux quatre coins cardinaux pour écouter une multitude d’enregistrements sonores (poèmes lus, slamés sur du free jazz, interviews, documentaires…) en suivant les vidéos et autres projections de poèmes, de manuscrits, de dessins et de photographies d’époque. Se déploient sur les murs et les divers écrans de la salle les modes de vie alternatifs et les combats pour la liberté d’expression, contre l’homophobie et le racisme étatiques à l’œuvre aux États-Unis. Une rupture des valeurs dont nous (re)découvrons les grands actes contre la guerre du Vietnam, Hiroshima et l’industrie nucléaire de la peur (le poème Bomb de Corso ayant la forme d’un champignon atomique) mais aussi, et surtout, contre tout impérialisme culturel et politique, toute forme de morale puritaine contrôlant les corps et les êtres (le Moloch du Howl de Ginsberg).

Allen Ginsberg (1926-1997), poè‹te améˆricain, faisant une lecture au Washington Square Park. New York (États-Unis), dans les années 1960

Pas moins de six heures d’enregistrements inédits réalisés par Jean-Jacques Lebel (commissaire de l’exposition) démystifient les clichés les plus répandus : Ginsberg et consorts admettent ainsi avoir testé toutes les drogues possibles (éther, mescaline, marijuana, acide psychédélique, LSD…) mais en aucune manière écrire sous leur seule influence car la poésie demande plus. Le cut-up[1. Technique littéraire où le texte est découpé au hasard puis réarrangé pour en produire un nouveau auquel des fragments d’autres auteurs sont parfois ajoutés] inventé par Brion Gysin et William S. Burroughs se fait « égorgeur de mots », une transposition de la peinture se répandant sur une toile. Nous suivons le groupe dans ses performances dans les clubs de NYC et les rues de Paris, de l’Hôtel du 9 rue Gît-le-Cœur où ils séjournent à de nombreuses reprises jusqu’à leurs virées sur la tombe d’Apollinaire dont ils vénèrent la folie. Quelques-uns des plus grands auteurs du siècle volant des livres avec Jean Genet, buvant jusqu’à ne plus pouvoir au Café Sélect de Montparnasse et y écrivant Kaddish, Europe ! Europe ! ou encore Le Festin nu. La capitale française redevenait un halo créatif pour artistes briseurs de limites modernes.

À Metz, au Centre Pompidou, jusqu’au 6 janvier 2014
03 87 15 39 39 – www.centrepompidou-metz.fr
vous pourriez aussi aimer