Les Liaisons dangereuses, Érotisme de Tête

Christine Letailleur adapte Les Liaisons dangereuses, roman épistolaire de Laclos avec, pour libertins principaux, Dominique Blanc et Vincent Perez.

Ce roman révèle des dilemmes de l’amour qui sont encore les nôtres. Lesquels ?
Valmont et Merteuil sont un couple fictif du XVIIIe siècle, mais tout à fait moderne car ce sont des amants vivants séparément avec un lien érotique puissant. Leurs relations interrogent la position de dominant / dominé, le désir et la séduction, et donc les fondements de notre expérience amoureuse : sommes-nous faits pour rester toujours avec la même personne ? L’amour est-il une illusion ? Le plaisir n’est-il pas indépendant de la relation amoureuse ?

Tout est dans le langage, cette joute oratoire du plaisir, de la tentation. Une manière de conter ses exploits dans « un érotisme de tête »…
Contrairement à Sade qui est dans l’orgie, le corps et la débauche jusqu’à la limite, Laclos a une certaine froideur. Tout est caché derrière les mots. N’oublions pas qu’il était militaire de carrière. Il décortique et décrit comme nul autre les stratégies et l’art du calcul de ses personnages. Sa langue suscite l’érotisme. Je conserve dans la pièce le cœur du roman : ce récit de la Marquise de Merteuil, autodidacte s’inventant en observant le monde. Même le jour de son mariage, elle a observé son plaisir, plongé en elle-même pour inventer les principes lui permettant d’accéder à la liberté. Je me suis amusée à dénicher le théâtre dans le roman qui est construit sur une architecture forte : exposition, mise en route de l’action, intrigues et dénouement inattendu. Avec la langue du XVIIIe et les Lettres, j’ai créé des dialogues.

Laclos offre une opposition des mœurs et des valeurs entre libertins et puritains, mais aussi entre cynisme et morale. C’est cette nouvelle place de la femme, revendiquant son émancipation qui vous a séduite ?
Oui, dès ma première lecture au lycée ! J’ai eu ce roman en moi depuis lors, mais il me fallait une muse pour m’attaquer pleinement aux versants politique et philosophique qui me happaient. Dominique Blanc est cette Merteuil rêvée. Je suis fascinée par la vie et la formation de ce personnage : une féministe avant l’heure, désireuse d’être l’égal des hommes ! Elle est intelligente avec ses manigances, monstrueuse mais fascinante dans l’ambigüité de son être.

Le libertinage arrive en fin de compte à une certaine tristesse de la chair, une insatisfaction permanente…
Ensemble, ils sont allés au bout du libertinage dont ils ont épuisé tous les plaisirs. Valmont la désire car elle sait le rendre jaloux. Pour moi, ce n’est pas de l’amour mais plutôt une jalousie très narcissique, un couple qui se regarde dans le miroir jusqu’à l’autodestruction. Valmont aime toutes les femmes car c’est sa carrière, un peu comme Rocco Siffredi. Merteuil est une exception car elle arrive à devenir son alter ego.

Au Théâtre national de Strasbourg, du 6 au 16 janvier (surtitré en allemand le 16 janvier)
+33 (0)3 88 24 88 00 – www.tns.fr

Au Théâtre de la Ville (Paris), du 2 au 18 mars
+33 (0)1 42 74 22 77 – www.theatredelaville-paris.com
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