Le plein de Super

Il y a seize ans, sortait Super, premier disque (bien nommé) de Mathieu Boogaerts qui faisait doucement swinger la chanson made in France sur des rythmes chaloupés. Il impose alors un style – ascétique – qui n’a guère évolué. Tant mieux.

Pour commencer, je voulais savoir si vous en aviez encore Marre d’être deux ?

J’accepte mieux cette dualité. Est-ce dû à la maturité, à l’expérience ? Plus je rencontre de gens, plus je m’aperçois que nous sommes tous pareils : gentil / méchant, bourreau / victime, fort / faible…

 

Contre quoi vous battiez-vous dans ces moments les plus schizophréniques ?

L’envie de rester et de partir. Le côté “ça me suffit” et “je veux mille fois plus”, je suis repu et je suis affamé.

En 1996, vous débarquiez avec un disque ovni faisant le grand écart entre reggae et chanson française. À cette époque, vous sembliez «  près de la lune », pour paraphraser un de vos morceaux. Vous considériez-vous comme une sorte d’extra-terrestre ?

Pas vraiment. Pour ça, il faut être conscient de ce qui est terrestre. Je n’ai jamais eu de regard très aiguisé sur le paysage musical français. Je suis dans une démarche expérimentale permanente. En écrivant une chanson, je fais tout pour qu’elle ne ressemble à rien de connu. En tant qu’artiste, je n’ai de légitimité qu’en étant original. C’est ma vocation.

 

À l’époque, vous citiez Bob Marley plutôt que Miossec ou Dominique A alors que naissait la nouvelle chanson française…

Je voyage beaucoup. J’achète des disques de flûte péruvienne ou de guitare cubaine des années 1930, vais voir des films indiens des années 1960… Je suis francophone, c’est sûr : le français est la matière que j’aime travailler, mais je me sens citoyen du monde, même si c’est cliché de dire ça.

 

Vos concerts ont souvent un aspect théâtral. Comment appréhendez-vous l’exercice scénique ?

Je suis très mauvais public de concert. Je m’ennuie facilement et ma hantise est que les gens aient ce sentiment durant mes spectacles. Il faut d’abord que je croie à fond en mes chansons, au mot près. Ensuite, l’ordre des morceaux est important : par quoi je commence, par quoi je finis. Un concert n’est pas une collection. Enfin, à partir des outils mis à ma disposition – un espace, des lumières… – je réfléchis à comment occuper la scène. Pour la tournée d’I love You, nous étions quatre sur scène, sur des patins à roulettes : c’était une proposition très originale mais très contraignante et j’étais moins dans la musique que dans la mise en scène. Après ces “excès”, j’ai fait dans la simplicité : guitare / voix, comme les chansonniers.

Peut-être êtes-vous plus à l’aise et avez-vous moins besoin d’artifices…

Je fonctionne surtout en réaction. Après les rollers et un spectacle très chorégraphique, je voulais plus de sobriété. Peut-être que la prochaine fois, j’aurais envie de quelque chose de plus ambitieux, avec un décor.

 

Vos albums restent quant à eux très dépouillés…

J’ai le goût du silence, de l’économie, de l’épure. Je ne le revendique pas comme une qualité mais je suis ainsi dans la vie. Chez moi, il y a très peu de meubles. Les fringues que je ne mets plus, les livres que j’ai lus et les disques que je n’écoute plus, je les vire. Ce qui reste a plus de valeur, d’air pour respirer et de place pour être beau. Je suis dans ce système logique.

Si on le poussait à l’extrême, à quoi ressembleraient vos chansons ?

À celles de ma tournée actuelle où je suis seul sur scène. Il n’y a que l’os des morceaux.

 

Mathieu Boogaerts, paru chez Tôt ou tard (environ 14 €) – www.totoutard.com

www.mathieuboogaerts.com

 

À Schiltigheim, au Cheval Blanc, samedi 26 janvier

03 88 83 84 85 – www.ville-schiltigheim.fr

 

À Macon, à La Cave à Musique, vendredi 5 avril

03 85 21 96 69 – www.cavazik.org

 

 

 

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