Lanceur d’alerte

© Irina Schrag

Dans Pale Blue Dot, le jeune metteur en scène Étienne Gaudillère revient sur WikiLeaks, le Pearl Harbour de la diplomatie américaine qui ébranla le monde en 2010.

La mise en ligne de plusieurs centaines de milliers de “câbles diplomatiques” américains sur le site de l’organisation non gouvernementale WikiLeaks renversa les rapports de force entre états et citoyens. 2010 sera à jamais l’année du bouleversement de la diffusion des informations – de leur propagation à la question du droit à leur accès – grâce à Internet. La notion de lanceur d’alerte se démocratisait et l’administration Obama voyait l’auréole de son prix Nobel de la Paix piétinée par les révélations de bavures au cours des guerres en Afghanistan et en Irak, le recours aux drones de combat, les conditions inhumaines de détention hors de tout cadre légal à Guantánamo… Ce pan de l’histoire contemporaine est catapulté par Étienne Gaudillère sur une scène de théâtre dans un foisonnement d’images et d’informations rendant à merveille leur insoutenable rythme. Frôlant l’overdose, le spectateur voit se succéder une trentaine de personnages (sénateurs, journalistes, anonymes…) parmi lesquels le charismatique et controversé Julian Assange empêtré dans une affaire de mœurs en plein chaos médiatique, Hillary Clinton multipliant les volte-face ou encore l’analyste militaire Chelsea Manning qui s’appelait encore Bradley. La retranscription sur écran géant de ses chats avec le hacker Adrian Lamo, qui la dénoncera auprès du FBI quelques mois plus tard comme étant la taupe de la plus grande fuite de l’histoire de l’US Army, confère un brin d’humanité à une histoire aux ramifications géopolitiques aussi tentaculaires qu’opaques. Il faudra plusieurs années de travail aux plus grands journaux du monde pour tenter d’y voir clair en épluchant cette somme de documents top-secrets. Ce théâtre documentaire nous emmenant de Bagdad à Londres en passant par Washington et Berlin mêle habilement des types de discours disparates (monologues, interviews, discours politiques…) en ne renonçant pas à la complexité de la circulation des informations et à la bataille pour approcher la vérité. Ce monde saturé de drapeaux, d’écrans et de conflits sous-jacents entre puissants, Anonymous, citoyens, lobbys et déstabilisateurs de tout poils n’a rien d’une fiction. C’est le nôtre.


À L’Espace (Besançon), du 16 au 18 octobre
les2scenes.fr

vous pourriez aussi aimer