Les empêchements

Hubert Amiel

Une Marquise en deuil rencontre un Chevalier esseulé vivant un amour impossible. Un Comte se verrait bien ravir la belle mais se retrouve au milieu d’un jeu de valet et suivante. Ainsi en va-t-il de La Seconde surprise de l’amour, nouvelle création de Thibaut Wenger.

Nous n’étions pas habitué à vous voir œuvrer dans ce genre de marivaudages…
C’est le Théâtre des Martyrs qui m’en a fait la proposition. Ils avaient co-produits mon Koltès, Combat de nègre et de chiens, et pensaient qu’il serait bien que je me confronte à Marivaux. Je ne connaissais rien de lui. J’ai donc tout lu et trouvé que La Seconde surprise de l’amour était la plus intéressante car les types y sont plus compliqués qu’ailleurs. Il n’y a pas de manipulateur, peu de caractère italien… Mais c’est aussi une des plus difficiles à mettre en scène car il est délicat de jouer un personnage ayant une longueur d’avance alors qu’il en a une de retard, d’interpréter l’ignorance par l’assurance.

Dans La Seconde surprise de l’amour, ce sont les jeux de désirs et de pulsions cachés qui, tous, tomberont à l’eau, qui vous attirent ?
La mauvaise foi aussi, comme dans Combat de nègre et de chiens qui constituait une longue négociation entre les protagonistes. J’ai saisi pourquoi Koltès venait après Marivaux : l’histoire se comprend en deux minutes mais les personnages vont passer toute la pièce à se mettre des bâtons dans les roues pour s’empêcher de vivre. L’assurance analytique les gouvernants les empêchent de vivre les choses. Ils prévivent, anticipent et du coup elles passent avant qu’ils ne réussissent à lâcher prise.

Dans quel espace installez-vous cette comédie du XVIIIe siècle ?
Pour la première fois, je me suis laissé faire et ne suis pas intervenu. Arnaud Verley, qui signait déjà la scénographie de Combat, m’a proposé un espace synthétique proche des créations de la plasticienne Tatiana Trouvé : une piscine vide, un vivarium avec des plantes étouffées, un arbre en 2D. Je l’ai pris comme une contrainte pour jouer et naviguer dedans. Mes comédiens sont comme des rats dans un laboratoire, bleu turquoise ! Des choses tombent du gril, des cloches enferment les acteurs avant de les libérer… Les costumes quant à eux nous tirent vers un univers non réaliste, proche du conte.

Le registre comique penche-t-il vers la noirceur ?
La pièce forme une boucle, la déception de l’amour est sans cesse reconduite. Cet enchâssement en fait une comédie parce que ces personnages sont désespérés. L’humour se fait sournois car on rit à l’insu d’eux. Je me plait à déconstruire la pièce petit à petit, pour finir sur un sentiment de solitude et d’épuisement.


Au Nouveau Relax (Chaumont), jeudi 8 novembre
lenouveaurelax.fr

Au Taps Scala (Strasbourg), du 20 au 23 novembre (dès 14 ans)
taps.strasbourg.eu

Au Centre culturel Thann-Cernay, vendredi 30 novembre dans le cadre du festival Scènes d’Automne en Alsace
relais-culturel-thann.net

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