La révolution culturelle

© IMA / Rambaud

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, les noms des Ministres de la Culture oubliés aussi. À côté du monument Malraux, le nom de Jack Lang seul reste gravé dans le marbre de l’imaginaire collectif. Entretien avec celui qui donna un beau coup de pied dans la fourmilière au début des années 1980 et préside aujourd’hui l’Institut du Monde arabe.

Vous avez été Ministre de la Culture et de la communication deux fois (de mai 1981 à mars 1986, puis entre mai 1988 et mars 1993). Quelle est la mesure dont vous êtes le plus fier ?

Une des toutes premières qui est spécialement symbolique et emblématique de notre action – elle fut par ailleurs très efficace – est la Loi sur le prix unique du livre adoptée en août 1981. C’est très technique et n’est guère poétique, mais, sans elle, les secteurs de la librairie et de l’édition auraient sans doute connu le même désastre que dans certains pays qui n’ont pas pris de telles mesures. Je pense, par exemple, aux États-Unis.

Quelle est la philosophie qui sous-tend ce dispositif ?

C’est un texte d’écologie culturelle, c’est-à-dire que l’on fait prévaloir la durée sur l’immédiateté, l’intérêt de la création sur la spéculation. En ce sens, cela éclaire tout ce que nous avons voulu faire…

La Fête de la Musique n’est-elle pas plus symbolique ?

C’est une autre idée, celle que, dans une société vivante, les citoyens peuvent devenir acteurs ou co-auteurs d’un changement majeur dans le paysage culturel.

Le budget de votre Ministère est passé de 2,6 milliards de francs en 1981 à 13,8 milliards en 1993. Aujourd’hui, le temps n’est plus à la progression : peut-on avoir une politique culturelle en période de vaches maigres ?

L’argent compte, certes, mais le plus important, ce qui précède, c’est l’imagination, le souffle et l’élan. Aujourd’hui, il y a dans le pays, des villes et des régions qui inventent et créent. Je le vois à Nancy, ville dont je suis originaire, par exemple. Malheureusement l’État, depuis de nombreuses années, est trop en arrière. Le budget demeure stable, mais aurait mérité une vraie progression. J’ai néanmoins peine à porter une appréciation sur la politique nationale, car je m’impose une obligation de réserve.

Les “années Lang” donnaient le sentiment d’une liberté extraordinaire et d’un bouillonnement : aujourd’hui la culture est-elle encore une source vive ? N’est-elle pas sclérosée ?

Par bonheur, dans tout le pays, ce bouillonnement est encore là. Nous avons créé une dynamique, une véritable cinétique qui a fait, en quelque sorte, que le mouvement entraîne le mouvement. Il manque cependant aujourd’hui une impulsion d’État puissante. Dans certains domaines, il devrait donner un cap et notamment – pour moi c’est une question clef – en ce qui concerne la présence de l’Art et de la Culture à l’école. Malgré les paroles officielles, le domaine est à l’abandon. Nous avions lancé un plan ambitieux en 2000-2002 avec la Ministre de la Culture Catherine Tasca (Jack Lang était alors Ministre de l’Éducation nationale dans le gouvernement Jospin, NDLR) qui avait suscité un immense enthousiasme. Depuis, les choses se sont affaissées…

Quel est votre plus beau souvenir de Ministre de la Culture ?

Je ne citerais pas un événement précis, mais les instants de bonheur ressentis par des personnes privées d’Art et de Culture qui, tout d’un coup, découvrent un univers qu’ils ne soupçonnaient même pas. Le plus touchant et le plus important est d’offrir à d’autres le plaisir de connaître.

L’Institut du Monde arabe fête son 30e anniversaire : quelle est sa place dans le dispositif culturel français ? Comment résumer votre action depuis 2013 à sa tête ?

L’IMA est plus qu’un musée ! Il est aussi un lieu d’échanges et de rencontres, une salle de concerts, il promeut l’enseignement de la langue arabe qui me tient à cœur depuis de longues années… L’Institut continue à être fidèle à sa vocation première, être un pont entre l’Orient et l’Occident. De ce point de vue, son rôle est plus important que jamais à un moment où le fanatisme et l’intolérance progressent. Dans l’avenir j’ai envie que la jeunesse s’empare encore plus de l’établissement.

 Jusqu’au 14 janvier 2018, l’Institut du Monde arabe (Paris) présente une exposition dédiée aux Chrétiens d’Orient

imarabe.org 

 

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