La délicatesse

Le Frac Franche-Comté invite simultanément Susanna Fritscher et Jean-Christophe Norman afin d’initier un dialogue entre deux artistes déambulateurs le temps d’une double exposition : Promenade blanche / Weisse Reise et Biographie. Une exquise invitation à l’errance.
La plasticienne d’origine autrichienne Susanna Fritscher et le bisontin  Jean-Christophe Norman sont des héros très discrets, des artistes réalisant des interventions subtiles, parfois invisibles ou presque. Tous deux investissent des lieux publics : Fritscher, des chapelles ou des bâtiments publics, Norman, des rues de métropoles du monde (Istanbul, Berlin, New York…). La notion de déplacement est primordiale. Selon Sylvie Zavatta, directrice du Frac, ils accordent une grande importance à l’espace : « L’une entre en dialogue avec l’architecture, tandis que l’autre est un arpenteur. Leurs démarches sont différentes, mais ils ont des préoccupations communes, par exemple dans la relation au corps : Suzanna propose de nous immerger dans des environnements et de faire obstacle à notre marche, tandis que Jean-Christophe parcourt le monde, notamment pour recopier des textes sur les mur des cités (À la recherche du temps perdu de Proust, par exemple). Dans les deux cas, il y a une dimension physique. »
Au rez-de-chaussée, Susanna Fritscher invite le visiteur à une Promenade blanche, à se perdre dans les méandres d’une œuvre immersive où un « brouillage s’opère dans notre perception de l’espace. On y pénètre en frôlant des films transparents (comme des drapés qui pendent, NDLR) générant un son sourd, tel un orage lointain. On a l’impression d’entrer dans quelque chose de vaporeux, un brouillard. » Une pièce révélatrice de la démarche d’une plasticienne sensible, travaillant souvent à partir de matériaux translucides, sur les reflets, la lumière, le trouble des sens…
« L’homme qui se déplace modifie les formes qui l’entourent. » Même si cette citation de Jorge Luis Borges pourrait s’appliquer à Susanna Fritscher, Jean-Christophe Norman la reprend à son compte, basant ses interventions sur de nombreuses déambulations. Cet artiste de la flânerie et du temps qui s’écoule marche notamment dans les villes et inscrit scrupuleusement « le cours du temps, tel qu’il s’affiche sur sa montre digitale ». De ses déplacements, il ramène des vidéos, photos ou peintures et envoie des cartes postales (notamment du Mont Fuji, adressées au Frac), autant de témoignages de ses périples. À Besançon, où sera exposé un large panel de ses travaux, il va recopier un texte (Le Navire de bois de Hans Henny Jahnn) sur un des murs, faisant écho à ses interventions dans les villes, comme Tokyo où cet ancien alpiniste recopia Ulysse de Joyce, sur le sol, à la craie. Un travail de copiste ambitieux, de longue haleine et éphémère, rappelant la fuite inexorable du temps.

À Besançon au Frac Franche-Comté, du 18 octobre au 25 janvier
03 81 87 87 60
www.frac-franche-comte.fr
Visuel :

Jean-Christophe Norman, 10 jours, 2008

© Jean-Christophe Norman

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