La beauté cachée des laids

Maquette du décor © Raimund Bauer

Le metteur en scène Philipp Himmelmann, un des plus demandés sur la scène internationale (son Don Giovanni de Baden-Baden reste dans toutes les mémoires) est devenu au fil des ans un “habitué” de l’Opéra national de Lorraine où il a déjà monté Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny (2007), La Ville morte (2010) et La Chauve-souris (2011). Il y revient pour une pièce « profondément originale » de 1922. Der Zwerg (Le Nain) d’Alexander von Zemlinsky. Pour lui, elle est « fondée sur le conte d’une grande méchanceté d’Oscar Wilde, mais également irriguée par des expériences vécues par le compositeur et des sensations qu’il a ressenties. Son amour infructueux pour Alma Schindler – qui épousera plus tard Gustav Mahler – est ainsi au centre du propos. » Il est vrai que la belle l’appelait affectueusement « mon petit gnome monstrueux… »

L’histoire ? C’est celle du dix-huitième anniversaire de l’Infante Donna Clara à qui le Roi de Perse offre, en guise de cadeau, un nain difforme… qui possède une voix d’or. Le problème est qu’il ne s’est jamais vu et n’a aucune idée de son aspect physique. À son arrivée, on couvre ainsi toutes les glaces du palais. Une tragédie grinçante peut commencer. Le contraste entre une « enfant gâtée, consciente de son potentiel érotique, mais dont l’intérieur est désespérément vide et un nain d’une grande laideur qui vit dans un monde plein de poésie et d’imagination, se prenant pour un chevalier étincelant » est le moteur d’une œuvre féroce à la musique enchanteresse marquée par un chromatisme hérité de Wagner et un post-romantisme évoquant parfois les partitions de jeunesse de Schoenberg. Dans sa mise en scène, Philipp Himmelmann a choisi de « construire, sur le plateau, une réalité autonome, qui ne soit connectée à aucune époque particulière. Ce qui importe est de montrer que, parfois, les histoires les plus cruelles se déroulent dans les endroits les plus raffinés. J’ai souhaité entraîner les personnages dans un décor reflétant la dualité d’une œuvre brillante à l’extérieur, mais glacée à l’intérieur. »

À Nancy, à l’Opéra national de Lorraine, du 21 au 29 juin
03 83 85 33 11 – www.opera-national-lorraine.fr

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