Impression, pixel levant

Avec Fin de siècle, la galerie La Chambre dynamite les frontières entre les arts. L’exposition des peintures digitales d’Olivier Nord ouvre de nouvelles et étonnantes perspectives picturales.

Architecte de formation, Olivier Nord a choisit d’emprunter une voie différente de celle qui se profilait. Devenu photographe – principalement à la chambre – ce Lyonnais d’une trentaine d’années développe patiemment son propre style, entre photographie, peinture et techniques numériques. Une résidence à la Casa de Velázquez de Madrid (2009-2011) lui offre le temps et le confort pour bouleverser les cases et les champs artistiques. Partant de clichés personnels, chinés sur le net et dans la presse mais aussi de vidéos figées, il effectue un crayonnage sur tablette graphique. Le stylet pour pinceau, le pixel pour pigment, Olivier utilise son ordinateur comme un peintre des temps modernes, travaillant par couches en demi-teintes, composant sa propre colorimétrie, affinant sa touche. « Je m’approche au plus près de la peinture, jouant à en dépasser les limites. Mes tableaux n’ont pas de coulures et ma toile ne pompe pas la couleur, mais sinon le travail est le même », glisse-t-il dans un sourire.

Lueur froide, Olivier Nord, 2010

Tirant certaines créations sur du papier photo, d’autres sur des toiles, il s’amuse à brouiller les pistes, jusqu’à la laisser apparente comme dans Le Radeau, diptyque où des touristes au bord de mer prennent en photo une embarcation de clandestins s’échouant sur des rochers à proximité. « Les touristes proviennent d’une de mes photos, l’embarcation chavirant d’un reportage de presse. Se crée une réalité narrative dans mon association provocante des deux qui devient presque de la vérité documentaire. » Dénonciation du voyeurisme de notre société, de sa violence symbolique et concrète, autant de thèmes qui jalonnent cette exposition où se dévoile son amour du hors-champ. À chacun d’imaginer devant L’Adoration, ce que ces personnes agglutinées en position de dévotion prenaient en photo avant que l’artiste n’efface leurs appareils pour mieux révéler leurs postures. Son dialogue direct avec la peinture saute aux yeux dans “Le Salon noir”, seconde salle de l’expo.

La Chambre verte, Olivier Nord

L’impression laissée est étrange, parfois malsaine, comme dans Lueur froide réalisée d’après un photogramme de Shining. Le côté obscur de l’homme, ses masques et ses déviances créent une atmosphère de souffre. Il livre aussi un Festin de loups devant une carcasse de biche, « sorte de fable sur l’agressivité latente actuelle ». À trois mètres, c’est une photo. À un seul, un tableau avec l’étrange absence d’épaisseur de peinture d’une herbe quasi impressionniste qui virevolte, chatoyée par l’obscurité et la lumière criarde du spot l’éclairant.

À Strasbourg, à La Chambre, jusqu’au 3 juin
03 88 36 65 38 – www.la-chambre.org
www.olivier-nord.com

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