Ils sont Charlie

© Giovanni Cittadini Cesi

Avec Par-delà les marronniers – Revu(e), Jean-Michel Ribes écrit et met en scène Jacques Vaché, Arthur Cravan et Jacques Rigaut, ressuscitant trois figures incarnant un salutaire « rire de résistance ».

 

Ces trois hommes ont « creusé des galeries vers le ciel ». Jean-Michel Ribes reprend l’expression de Louis Aragon pour parler de la trajectoire fulgurante de Jacques Vaché (1895-1919), Arthur Cravan (1887-1918) et Jacques Rigaut (1898-1929), météores dadaïstes qu’il invite dans une revue créée dans les seventies, s’inspirant de l’univers des années 1920, qu’il a choisi de « ressusciter quand [s]es potes de Charlie Hebdo, leurs frères, ont été assassinés. Wolinski, Cabu ou Charb bousculaient les choses : comme eux, ils étaient des enfants turbulents qui se moquaient de la bêtise des adultes. Quand ils sont morts, ces trois personnages me sont remontés dans le cœur », explique-t-il, ému. Ces étoiles filantes « sortaient des routes habituelles, pensaient ailleurs et voulaient s’échapper des horizons définitifs, envoyant tout foutre avec panache, le bon goût en tête. Ils ont été étouffés par une société qui ne les acceptait pas. »

Sur scène, c’est une orgie scintillante de fantaisie subversive, des paillettes de futilité où le désespoir le plus noir côtoie la légèreté d’une posture de dandy dada « sans intellectualisme stérile ». L’occasion de redécouvrir trois pieds nickelés, vêtus d’un smoking blanc étincelant, perturbateurs de génie de l’Histoire de l’Art « qui ont plongé très profond, au risque de ne pas revenir ». Le premier, Jacques Vaché, inventeur de l’umour sans h « a inspiré le surréalisme à Breton avec ses lettres de guerre », affirme le directeur du Théâtre du Rond-Point. Pour sa part, Arthur Cravan fut boxeur, voyou et poète et s’efforça « d’attirer sur sa personne l’attention et les désapprobations les plus tumultueuses », disait l’auteur de Nadja. Enfin, Jacques Rigaut – modèle de désinvolture et du personnage principal du Feu follet de Drieu la Rochelle – considérait le suicide comme un des Beaux-Arts. Il « déteste ceux qui ne parviennent pas à le séduire, s’ennuie avec passion et se désire sérieux comme le plaisir », résume Jean-Michel Ribes qui propose là un éclat de rire salutaire « dans une époque où on a tant besoin d’ailleurs, alors qu’on ferme toutes les fenêtres… »

Au Théâtre national de Strasbourg, du 7 au 17 décembre

www.tns.fr

 Carte blanche à l’équipe du Théâtre du Rond-Point

> Soirée avec Jean-Michel Ribes (05/12, 20h, TNS)

> Projection du documentaire L’Aventure du Théâtre du Rond-Point. Audace joyeuse et Rire de Résistance (06/12, 20h, Star)

> Lecture de textes contemporains par des élèves du TNS, sélectionnés par le comité de lecture du Rond-Point (10 & 11/12, 11h, TNS) suivie de rencontres et débats (15h)

www.theatredurondpoint.fr

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