Happening
 de l’imaginaire

Photo de Christophe Pean

Le rapport entre Eddy Merckx et Neil Armstrong ? Une date. Et maintenant, une pièce de Jean-Marie Piemme, Eddy Merckx a marché sur la Lune, sur l’héritage d’une époque et la quête de sens d’une société mal en point.

Le 20 juillet 1969, Eddy Merckx remporte son premier Tour de France et Neil Armstrong fait son premier pas sur la Lune. Deux événements qui racontent une époque, celle d’après Mai 68. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? C’est la question que pose la pièce chorale tissée par Jean-Marie Piemme. « J’aime que le théâtre mélange les niveaux d’expression », explique le dramaturge belge, « qu’il soit à la fois simple et complexe, qu’il allie le minuscule et le majuscule, l’histoire singulière des gens et la grande Histoire, le haut et le bas, la joie et la peine, l’humour et le dramatique, la parole quotidienne et la pensée philosophique. La pièce entière est faite de ces contrastes. » L’œuvre étonne par sa structure : seuls les trois rôles principaux sont attribués, comme un assemblage de courtes séquences hautement cinématographiques qui parlent de la société d’hier pour raconter la vie aujourd’hui. « Cette pièce de groupe est écrite pour un nombre indéterminé de comédiens. Seul le projet de mise en scène peut déterminer le nombre de personnes présentes sur le plateau. Les grandes lignes sont fixées, mais chaque acteur a une capacité de “respiration personnelle” qui donne de la souplesse au jeu. » Ainsi, dans la version d’Armel Roussel, onze à discuter d’amour, de beauté, de rêve, d’illusion, de résignation. À faire des sauts dans le temps de manière anarchique. « J’ai voulu rester au plus près de ce qui se passe dans un acte de mémoire. La mémoire est désordonnée, elle n’avance pas en ligne droite. »

Photo de Christophe Pean

Alors ils s’inventent des rencontres, fantasment un peuple porté par des convictions communes. Comparent aux événements actuels, confessent un sentiment d’abandon. « 1968 a été un mouvement important. Mais aujourd’hui les questions sont différentes. On parlait peu d’écologie, de l’eau, des migrations qu’elles soient économiques, climatiques ou liées aux conflits. En 1968 la question de l’islamisme radical ne se posait pas. La gauche et la droite savaient qui elles étaient, aujourd’hui elles sont fractionnées en mille morceaux. Un des personnages s’interroge : en quoi l’héritage soixante-huitard de mon père peut-il m’aider aujourd’hui ? » Pas d’amertume mais un constat où s’entrechoquent les émotions pour un spectacle aux allures de happening de l’imaginaire, viscéralement actuel. « La montée des extrêmes droites en Europe me paraît très inquiétante. Et l’inquiétude sécuritaire met la liberté d’expression et de comportement en recul. La vie d’aujourd’hui est bouffée par la consommation et l’insignifiance. On devrait pouvoir faire mieux. Je suis beaucoup plus pessimiste que je ne l’étais à l’époque. Mais le pessimisme doit rester joyeux : le théâtre ne doit pas être une punition parce que le monde va mal. »


Au Théâtre en bois (Thionville), du 16 au 18 mai (dès 14 ans)
nest-theatre.fr

Carte blanche à Isabelle Ronayette, comédienne permanente du Nest, vendredi 18 mai à 19h, en amont du spectacle

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