Fabuleuses tesselles

Des totems, un bestiaire magique et de surprenants jouets avec, pour point commun, l’utilisation de la mosaïque : voilà la substance de L’Enfance de l’art, exposition des œuvres de Gérard Brand.

Mosaïste depuis la fin des années 1950, l’obernois Gérard Brand (qui obtient le titre de Meilleur Ouvrier de France en 1972) a contribué à faire passer un art confiné aux stéréotypes hérités de l’Antiquité ou du Jugendstil dans une nouvelle dimension, la troisième. S’il se sert de matériaux traditionnels, des tesselles de marbre, de granit ou de verre, il abandonne très vite le carcan de la surface plane, créant de véritables sculptures où la lumière et la transparence jouent un rôle central. Le créateur mêle aussi ces composantes élémentaires à d’autres matériaux (os, cuir, bois, métal ou encore fragments de boîtes de conserve). Le visiteur découvre les 1 001 directions d’une recherche permanente dans une exposition multiforme organisée thématiquement, où il croise tout d’abord d’étranges jouets. Avec eux, l’artiste « opère une naïve déconstruction de [s]on environnement d’adulte, pour retrouver et exalter certains détails de ces petits moments d’enfance trop rapidement perdus. » Le résultat ? Des créatures hybrides où s’enchevêtrent éléments de récupération et fragments de mosaïque évoquant les joujoux inventés par les enfants africains faits de bric et de broc – de fil de fer et de tissu, bien souvent – mais aussi les bestioles tintinnabulantes de Jean Tinguely qui semblent douées d’une existence autonome.

À côté de ces jouets se trouve un bestiaire bizarroïde fait d’os (trouvés en boucherie et polis à l’extrême) et d’or : revêtu d’une esthétique armure de tesselles grises et dorées, le Roi cochon fait peur et amuse, à la fois fétiche primitif et monstre rigolo tout droit sorti de la saga Donjon créée par Lewis Trondheim et Joann Sfar. Sont également présentées des pièces de verre – coupé et travaillé avec les outils du mosaïste –, de verticaux totems ou des êtres constitués de matériaux de récupération et de tesselles. Un mammouth, par exemple, est né des poils d’une paire de bottes, de morceaux de métal et de cuir, puis a été cuirassé de mosaïque… Comme le résumé souriant et (un brin) effrayant de cette exposition.

À Sarreguemines, au Musée de la Faïence, jusqu’au 2 juin
03 87 98 93 50 – www.sarreguemines-museum.com
www.gerardbrand-mosaique.com

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