eMotion digitale

Les jongleurs humanoïdes rêvent-ils de balles virtuelles ? Nul doute à la vue du Cinématique d’Adrien Mondot, invité par Les Migrateurs et Le Maillon. Un voyage entre jonglage contact, danse et projections interactives.

Il aurait pu rester un scientifique atypique de l’Institut national de recherche en informatique et automatique de Grenoble, pratiquant en autodidacte passionné le jonglage. Mais le besoin de création et de liberté a été plus fort. C’est en enfant de la balle qu’Adrien Mondot vivra. Son intuition et sa fascination des images et du mouvement le poussent à délaisser la technicité pure de ses pairs circassiens pour concevoir des spectacles balayant toutes les frontières disciplinaires. Le développement, patient et assidu, de son propre logiciel informatique, eMotion – tout à la fois “émotion” et “electronic motion”, c’est-à-dire mouvement électronique – donne naissance à des spectacles totalement novateurs. Cette technologie permettant d’animer et de jouer avec des projections numériques (toutes sortes de lettres, symboles et formes) exerce un incroyable pouvoir de fascination. Mais Adrien n’est pas pour autant un technologiste, eMotion n’étant qu’un moyen de créer des matières virtuelles fonctionnant comme autant de paysages dans lesquels évoluer, se mouvoir pour émouvoir.

Avec Cinématique, il nous emmène en balade, accompagné de la danseuse Satchie Noro. Dans un espace blanc, sorte de livre ouvert, les décors se manipulent sous nos yeux. De l’eau dans une boîte équipée d’une caméra donne un lac. De petits cailloux placés et déplacés en direct forment des rochers sur lesquels sauter. Une table retournée fait office de radeau de fortune, quelques gouttes d’encre noire créent le déferlement d’un déluge. Tout ici est épuré, les deux personnages confrontés à d’incessants changements de décors, comme autant de rêveries éveillées : l’eau se fige et craquelle sous leurs pieds en myriades de cristaux et lorsqu’elle se transforme en quadrillage 3D à la Tron, ce sont des pics de glace en anamorphoses que l’on découvre. Comme dans un jeu vidéo interactif qui tenterait sans cesse de les piéger, les deux compères dansent, jouent et vivent entre crevasses et bosses dans une fausse inertie toute poétique. Le défilement du décor (de gauche à droite mais aussi d’avant en arrière) amène une géniale réinvention des composantes de la danse par la dématérialisation du rapport entre le corps, les objets et l’environnement : l’énergie déployée prend appui sur la confrontation et la relation des corps aux espaces et aux temps créés, modifiés et animés à l’envi par les arts numériques. Les quelques phases de jonglage, fluides et inventives, déstabilisantes et tournoyantes, répondent aux claques visuelles de typhons de lettres et d’onomatopées naissant en un flux de fumée manipulé à vue.

À Strasbourg, au Théâtre de Hautepierre, du 20 au 25 janvier
03 88 27 61 81
www.le-maillon.com

Rencontre ludique avec Adrien Mondot, samedi 21 janvier à 15h (réservation au 03 88 27 61 81) www.lesmigrateurs.org


À Thionville, au Nord-Est Théâtre, du 29 au 31 mai
03 82 82 14 92
www.nest-theatre.fr

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