Du jazz pour tous

Saul Williams © Geordie Wood

De Mulhouse à Wolfisheim : les sonorités jazz irriguent la région cet été. Petit abrégé des manifestations essentielles en quelques étapes incontournables.

Au Grès du Jazz

Véritable légende vivante du piano, Abdullah Ibrahim sera l’invité immanquable de l’édition 2018. Le Sud-africain a pour habitude d’entamer ses concerts en solo et il lui suffit de quelques notes pour que la magie flotte. La place Jerri Hans sera parfaite pour apprécier la profondeur de son toucher, sur le répertoire du Mukashi Trio (contrebasse, violoncelle et saxophones, 10/08) dont il existe déjà un disque (2013), pour s’habituer aux effusions de sentiments que fait naître sa musique. Sous le signe du piano et des petites formations, l’édition 2018 du festival accueille par ailleurs le pianiste israélo-new yorkais, Shai Maestro, en duo avec le saxophoniste Chris Potter (05/08), mais aussi Ray Lema en duo avec Laurent de Wilde (12/08) qui se produira avec son New Monk trio le même soir ou Fred Hersch en solo. Il n’y a là que des maîtres de leur instrument. Qu’ils se succèdent en moins d’une semaine sur la même scène rend cette manifestation d’autant plus rare et précieuse. L’occasion rêvée de saturer le parc immobilier de La Petite Pierre.

Wolfi Jazz
Huitième émission et le festival de Wolfisheim figure déjà parmi les rendez-vous importants du jazz. Ces dernières années, on a souligné sa faculté à inviter de remarquables projets derrière les têtes d’affiches. Cela vaut pour 2018 avec le très lyrique Refocus de Sylvain Rifflet (27/06), une relecture du format orchestral qu’avait exploré Stan Getz pour Focus en 1962. Le saxophoniste français s’était juré de tirer quelque chose de ce classique découvert à l’adolescence : « Stan Getz me touche parce qu’il un truc d’anti-héros, d’anti-saxophone d’une certaine manière, tout étant un maître de l’instrument. Il lui suffit d’une note pour que je trouve ça magique ». Le virtuose explique avoir voulu « être dans le beau » et revendique un côté « fleur bleue » dans l’écriture de ce projet et la pureté du son au sax. Le même jour, le jeune pianiste virtuose de quinze ans, Joey Alexander enchaînera avec le répertoire de son déjà troisième album, Eclipse, enregistré avec les immenses Joshua Redman (sax), Eric Harland (batterie) et Ruben Rogers (contrebasse). Bluffant. Suivront enfin Youn Sun Nah et Ulf Wakenius, de retour en duo voix / guitare. La chanteuse sud-coréenne mérite toujours le détour. Deux jours plus tard, il faudra venir en nombre applaudir le quartet du local et génial guitariste de jazz manouche, Biréli Lagrène, accompagné de Frank Wolf au saxophone, notamment (29/06).

Festival météo
L’improvisation a placé Mulhouse sur la carte du jazz, tout autant que Joe McPhee et Daunik Lazro sont des boussoles de la scène free. L’un alimentant l’autre. Les deux soufflants secoueront leur crinière sur le son brut et parfois répétitif de A Pride of Lions (24/08), projet né sous le signe des sessions The Bridge, qui financent des réunions américano-européennes de pontes de la musique improvisée. Derrière quelques cris sulfureux, ce quintet installe une transe plus mélodieuse qu’il n’y paraît, avec l’aide du mbira de Chad Taylor et du guembri de Joshua Abrams qui arrondissent les angles. Dans ce contexte, Sons of Kemet (24/08) fait carrément figure de musique pop. Le saxophoniste Shabaka Hutchings y développe un répertoire transe à deux batteries et deux soufflants (tuba et sax) sur lequel il devient difficile de ne pas danser. Ce qu’aura du mal à provoquer Nicole Mitchell (23/08), éminente flûtiste invitée en solo. L’ancienne présidente de l’AACM, collectif historique de Chicago dédié à la musique créative, souffle ses espoirs naïfs d’égalité et de partage dans son instrument qu’elle transforme en terrain de groove et d’embardées free, sous couvert d’afro-futurisme.

Les autres
Jazzdor invite toujours une tripotée de français pour sa virée annuelle berlinoise. Loin de son Alsace natale, cette famille élargie consolide ses liens outre-Rhin. Les Berlinois sont (très) chanceux de recevoir la formation What If ? (06/06) de Hugues Mayot (tenor saxophone). Le rejeton de l’Orchestre national du Jazz s’émancipe et démontre que le français n’est pas l’antithèse du groove. Dans les Vosges, à Jazz dans les vallées, Michel Portal et Louis Sclavis (02/06), figures tutélaires du jazz français se produiront en duo, une semaine avant que la trompettiste Airelle Besson (10/06) ne vienne avec son Radio One quartet. Rien de neuf, que du bon.


La jazz-list

Jazz dans les Vallées, du 2 au 6 juin, à Senones

Jazzdor Strasbourg-Berlin, du 5 au 8 juin, à Berlin, au Kesselhaus
jazzdor-strasbourg-berlin.eu

Festival Jazz Manouche, du 15 au 17 juin, à Zillisheim
festivaljazzmanouche.org

Wolfi Jazz, du 27 juin au 1er juillet, à Wolfisheim
wolfijazz.com

Festival Jazz et Musique improvisée en Franche-Comté, du 26 au 30 juin, à Besançon
aspro-impro.fr

Jazz Open, du 12 au 22 juillet, à Stuttgart
jazzopen.com

Au Grès du Jazz, du 4 au 15 août, à La Petite Pierre
festival-augresdujazz.com

Festival météo, du 21 au 25 août, à Mulhouse
festival-meteo.fr

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