Droit de cité

Photo de Pierre Brunel

La Maison Théâtre poursuit son travail de terrain à Strasbourg en passant une commande d’écriture à l’auteur Sébastien Joanniez, invité à se pencher sur la Cité Spach.

Coincé entre la rue Vauban et l’Avenue de la Forêt Noire, le quartier a une réputation difficile. Entre L’Esplanade et le
 Conseil des XV, se déploie « un
 espace que nous avons laissé, collectivement, aux dealers comme
au Bastion social », lâche Laurent 
Bénichou, comédien et metteur
en scène qui a mis en sommeil
la compagnie Plume d’Éléphant
pour créer avec d’autres artistes
 La Maison Théâtre, multipliant
la médiation artistique et la pratique amateur au Théâtre du Tam
bourin adossé à l’Ares. La saison
passée, Christophe Tostain passe
deux semaines dans la Cité Spach,
 créant deux courts textes de cinq minutes et cinquante-cinq secondes (Spach Land et Spach a dit) donnant lieu à une déambulation sensible et poétique dans le quartier. Le tout joué par des enfants participant aux stages de l’association, des allophones, des adultes et des comédiens du Conservatoire de Colmar. « Un mélange de populations comme de cultures qui ne se croisent habituellement pas. Les dealers en bas des immeubles n’étaient pas contents, il y eut quelques pressions, mais nous avons eu le sentiment de regagner du terrain » assure l’homme de théâtre, convaincu qu’il est « nécessaire de reconquérir cette place de la culture qui fait la différence à tous les niveaux. »

L’art d’y croire
En janvier 2018, Sébastien Joaniez passe à son tour une semaine en résidence à la Cité Spach avant de revenir, début avril pour une seconde débouchant sur un cabaret avec mises en jeu, lectures, improvisations à partir de ses textes, au Théâtre du Tambourin. Par le biais de l’Ares, il rencontre des habitants, des membres d’associations comme La Ruche 35, profitant des liens tissés par la structure.

« Je prends mon temps, discute longuement avec les gens pour dépasser les freins à ce type de rencontres », confie l’écrivain installé dans un village ardéchois de 500 âmes. Il s’est aussi accordé des balades, « comme ça, sans objectif, pour voir le coin et faire des rencontres impromptues ». Il a déjà arpenté des quartiers bien plus chauds : La Villeneuve à Grenoble et Pissevin à Nimes. « Au final, en ville comme à la campagne, les gens ont les mêmes problèmes pour remplir leur frigos et habiller leurs gamins », sourit-il. « Parfois les rencontres débouchent sur des choses intimes, ou des destins terribles comme les nombreux migrants que j’ai rencontré ici. Loin du sensationnel, l’ordinaire m’intéresse. » L’art d’y croire, la thématique qui lui est imposée, « appelle des choses très variées dans une société où les lieux de partages se sont segmentés et où la curiosité de l’autre est faible. Je me sens responsable du miroir que je vais tendre, avec mon texte, aux gens rencontrés. J’essaie de m’en défaire mais ils m’attendent à un endroit où je ne serais pas. À moi de ne pas les décevoir et d’apporter quelque chose… »

 

Cabaret Sébastien Joanniez, au Théâtre du Tambourin (Strasbourg), vendredi 6 avril

lamaisontheatre.eu

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