Décryptage d’images

L’atelier de didactique visuelle de l’École supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg (Ésad) organise l’exposition 48°34’52”N / 7°45’33”E à la Chaufferie. Une cartographie illustrée d’objets et de supports de communication qui vise à rendre lisible le champ du visible qui nous entoure.

Depuis une dizaine d’années, l’atelier de didactique visuelle de l’option communication dispensée aux Arts déco de Strasbourg s’attache à décrypter le design de communication, les images et supports qui nous entourent (albums, jeux, plans, signalétiques, vidéos…), leur sens et leur élaboration, afin d’en comprendre et d’en questionner les mécanismes. Olivier Poncer est responsable de l’évolution d’une filière créée, il y a une trentaine d’années, par Pierre Kuentz, qui formait alors à l’illustration à visée médicale et scientifique. « J’ai ouvert le champ de travail aux divers supports de communication et à la transmission des savoirs, une médiation entre graphisme et illustration », explique-t-il.
L’exposition occupe l’espace de la Chaufferie dont les coordonnées géographiques sur le globe lui servent de titre. Un îlot est consacré à une œuvre de chacun des 16 artistes réunis – designers, documentaristes, graphistes et illustrateurs. L’objectif des trois commissaires, Olivier Poncer, Vivien Philizot et Guy Meyer, est de confronter les œuvres à leurs processus d’élaboration et de restitution par le biais de vidéos, d’ouvrages connexes, de documents issus d’étapes de travail… Autant d’éléments complétés par des interviews menées par les étudiants de l’Esad auprès des différents artistes concernés. Ce travail de longue haleine qui a nécessité des heures de montage – les propos recueillis sont entrecoupés d’images “références” des artistes et de documents expliquant leurs “process de travail” – est projeté au mur, sur des écrans.

Les objets didactiques exposés balaient toute la diversité du champ de la didactique visuelle. Depuis ses prémices avec La machine de Madame Du Coudray (mannequin du XVIIIe siècle utilisé pour enseigner aux “matronnes” à aider à accoucher) jusqu’au plus moderne d’entre tous, Michael Wesch, qui raconte dans des vidéos postées sur Youtube l’évolution du Web en Web 2.0 en utilisant directement les outils concernés, sous nos yeux, se jouant des médiums, tout en restituant leurs propriétés et spécificités. L’aspect pédagogique d’une exposition est aussi soulevé. Our Body – À corps ouvert présentait à Lyon récemment l’anatomie du corps humain au grand public, en exposant de véritables corps humains conservés par un processus d’imprégnation polymérique (substitution des liquides et graisses du corps par des résines plastiques). Nous ne verrons pas une seule de ces images chocs mais nous accéderons, par des propos de visiteurs et l’interview du producteur de l’expo, à une mise en relief des questions soulevées par l’utilisation de supports destinés à des spécialistes pour le grand public.
Le documentaire Un Marchand, des Artistes et des Collectionneurs, est un autre exemple. Jean-Luc Léon a filmé des galeristes, que nous suivons dans les coulisses de la FIAC, et des ateliers de leurs artistes, découvrant leur servilité lorsque l’un d’entre eux demande à un peintre d’enlever un sexe sur l’une de ses toiles pour mieux la vendre… Ce que l’artiste s’empresse de faire ! Le comité d’organisation de la FIAC fera un procès pour modifier le titre du documentaire, voulant conserver une certaine image et ne pas laisser entendre par Le Marchand, ses artistes et ses collectionneurs (titre original) que tous étaient comme cela. Cette forme de restitution de la réalité, traversée par la question de la liberté de l’artiste, est une autre problématique de la didactique visuelle.

Pour Olivier Poncer, « les artistes retenus partagent une approche intelligible du réel. Ils proposent un point de vue, un témoignage, une analyse ou, encore, une mise en scène de la réalité qui contiennent un besoin de critique et de transmission par la représentation visuelle ». L’exposition livre quelques clés pour « une lecture vigilante du monde des signes visuels qui nous entoure » et devenir des citoyens plus éclairés.

À la Chaufferie, galerie de l’Ésad, 5 rue de la Manufacture des Tabacs, à Strasbourg, du 11 décembre 2009 au 11 janvier 2010
03 69 06 37 77 – www.esad-stg.org

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