Décibel, ma belle

Beats qui tapent forts ou musiques issues de la sono mondiale ? Soul US old school ou mélopées pop actuelles ? Stars internationales (de Neil Young à Stromae, en passant par Pixies) ou artistes en devenir (les anglais de Temples ou Cotton Claw du côté de chez nous) ? Les festivals d’été, tour d’horizon et sélection.

Temples © James Loveday

Quand on est jeune, on aime le fun

Vrombissements électroïdes et beats taillés comme du silex sont ses marques de fabrique. Certes, Skrillex (samedis 28 juin à Rock a Field et 5 juillet aux Eurockéennes) n’invente pas le fil à couper le beurre et ne fait pas dans la dentelle : il crée une musique hyper percutante, des sonorités Grammy Awardisées et des dirty vibes déconstruites qui plaisent aux jeunes gens habillés en gothique new generation avec des coupes improbables. Ses spectacles, à grand renfort de vidéos et de lights, sont autant de colossales cérémonies, entre noirceur dark wave et soleil ragga. Autre égérie des kids, mais aussi des plus de 77 ans : Stromae (vendredi 4 juillet aux Eurocks). Le maestro belge, auteur de Moules Frites (morceau qui parle… des rapports non protégés) évoque des sujets actuels et universels : le racisme, le père absent, les réseaux sociaux qui rendent marteau, la maladie (Quand c’est, sur le cancer), etc. Est-ce la raison de son succès ? Sa sympathique tête de jeune premier, lisse comme les pages des magazines, n’y est pas étrangère. Les anglais de Temples (vendredi 4 juillet aux Eurocks) sont nettement moins célèbres (le monde est trop injuste…), mais ils mériteraient une standing ovation tant leur compos psychédéliques sont magnifiques. La relève de Tame Impala est déjà assurée, avec eux, mais aussi le duo australien Jagwar Ma (samedi 5 juillet aux Eurocks), deux groupes fricotant ensemble et jouant dans la même division, des effluves sixties plein le nez. Autre coup de cœur : Isaac Delusion (samedi 28 juin à Bêtes de scène), groupe electro pop hexagonal qui nous accompagnera tout l’été.

Seun Kuti © Johann Sauty
Seun Kuti © Johann Sauty

No format

Pour la troisième fois, Metz organise le festival Musiques Hors Format, série de concerts – gratuits ! – partout en ville : Seun Kuti, Cascadeur, etc. Entretien avec Nicolas Tochet, coordinateur d’une programmation mêlant artistes pointus et mainstream de qualité.

L’an passé, vous avez convié Sébastien Tellier à chanter en toge son amour pour les Pépitos bleus, place de la République : osé comme choix…

À côté d’artistes comme Tellier, nous avions des gens comme Orelsan ! Cette année, Morcheeba fera le consensus. C’est important d’attirer le public avec des “locomotives” et de leur faire découvrir Frànçois & the Atlas Mountains (voir Poly n°167) ou les locaux Grand Blanc.

Sur des places, dans un parking souterrain, dans un appart ou sur un toit… L’idée est d’occuper toute la ville et de sensibiliser le public à l’ouverture prochaine de la BAM, nouvelle salle de concert qui ouvrira ses portes fin septembre ?

Oui, le festival préfigure les trois axes de programmation de la BAM : des artistes confirmés, des groupes plus confidentiels et des locaux. Mais ça n’est pas parce que la BAM arrive que la musique ne doit plus exister ailleurs en ville. Tout Metz va résonner durant ce festival où tous les formats possibles de concert seront mis en avant. Il y aura même des formes croisées avec de la danse.

Le folk de The Yokel, la synth pop d’And We Shelter, la new wave francophone de Grand Blanc, etc. Le festival permet de faire le focus sur une scène rock messine talentueuse et en pleine effervescence…

Derrière Chapelier Fou (lire Poly n°148) ou Cascadeur (voir Poly n°162), il y a un vrai renouvellement ! C’est important de les faire participer au festival car ces jeunes groupes commencent eux aussi à connaître un écho au niveau national.

Musiques Hors Format, à Metz, dans divers lieux (aux Trinitaires, place de la République…), du 21 au 29 juin, avec Cascadeur, Yuksek, And We Shelter (lire chronique page 18), Frànçois & the Atlas Mountains, Seun Kuti & Egypt 80 ou Cape Town Effects

www.metz.fr

C’est dans les vieux pots…

Ils ne sont pas de première jeunesse, mais nous servent encore de bonnes soupes. Leur ainé à tous ? Neil Young (vendredi 8 août à La Foire aux Vins d’Alsace), avec 45 ans de carrière musicale, des tonnes de disques, des heures incalculables de route, de très nombreux disciples et toute une armée de fidèles, heureux de retrouver l’auteur du mythique Harvest. Après le folk boisé, la soul authentique avec papy Charles Bradley et mamy Sharon Jones qui partageront la scène (vendredi 4 juillet aux Eurocks), lors d’un plateau dédié au label Daptone Records. Un beau moment cuivré à vivre sur la plage du lac du Malsaucy. Moins classos que les artistes de l’écurie Daptone, mais pièces maîtresses de l’histoire du rock : les Pixies (vendredi 4 juillet aux Eurocks). Black is back sur les planches belfortaines, un nouvel album dans la poche, dix ans après la dernière prestation eurockéenne du groupe. Seul hic : Kim Deal n’est plus de la partie. Autre légende interplanétaire (dimanche 6 juillet aux Eurocks) : Robert Plant et ses Sensational Space Shifters. L’ex-Led Zep’ nous convie à un voyage rock en ballon, avec un passage obligé au-dessus de l’Afrique, continent qui ne cesse de l’inspirer.

« nous ne sommes pas des guitar herœs modernes »

Comme C2C et les apôtres, ils sont alignés derrière une longue table, prêchant la bonne parole electro hip-hop. Questions à Lilea Narrative, porte parole du quartet bisontin Cotton Claw, groupe de beatmakers qui donne des coups de griffes tapageurs.

Chaque membre du groupe a un projet perso en parallèle. Cotton Claw est-il l’addition du travail de Lilea Narrative, Zerolex, Zo aka La Chauve-souris et YoggyOne ?

Oui et non. La musique de Cotton Claw reflète la personnalité de chacun, mais nous allons, en collectif, dans une direction différente, vers un son propre : plus club que ce que nous développons en solo. Il ne s’agit pas de faire du Lilea Narrative ou du Zerolex à quatre !

Être quatre vous conduit à composer des titres moins méditatifs qu’en solo, plus directs ?

Oui, nous avions envie d’aller vers quelque chose de dansant, efficace, percutant et jouissif… Quelque chose à partager, de moins posé et aérien, tout en restant sensible aux mélodies. Le défi a été de s’accorder, à quatre, là-dessus.

Pourquoi avoir décidé de monter un groupe ensemble ? Vous vous ennuyiez, seuls, devant vos ordis ?

Cotton Claw est né d’une opportunité : j’étais artiste associé à La Rodia, salle des musiques actuelles de Besançon en 2012, et ai eu la possibilité d’inviter d’autres producteurs… qui sont vite devenus des potes. La condition était de tout jouer live, de faire comme un vrai groupe, sans guitare / basse / batterie, mais avec des machines. Nous sommes une sorte de band sur pads.

Sur scène, on vous voit tripoter tout un tas de machines. C’est compliqué, techniquement, ce que vous faites ?

Nous ne sommes pas dans un trip de guitar herœs modernes ! Le pad, sorte de petit sampler, est notre instrument. Nous appuyons sur des petits carrés auxquels sont assignés des sons, une ligne de basse ou une caisse claire pour composer des morceaux en direct.

Il n’y a aucune boucle programmée ?

Non, et si l’un d’entre nous se met à jouer un titre à 130 BPM au lieu 110, les autres doivent suivre. Nous avions envie de vivre cette sensation, cette dimension live, moins sécurisante que si on se calait sur un séquenceur.

À Strasbourg, dimanche 8 juin, dans le cadre de Contre-Temps

www.contre-temps.net

À Mulhouse, vendredi 27 juin, dans le cadre de Bêtes de scène

www.noumatrouff.fr

Dusted (sortie vinyle ou digitale, avec des remixes de Kelpe, Slugabed – artiste de Ninja Tune – et Julien Mier), édité par Cascade Records

www.cascaderecords.fr

www.cottonclaw.com

Electro à gogo

Cet été, les festivals sont à haute teneur en BPM. C’est traditionnel pour certains comme Contre-Temps, qui convie des sommités telles que le légendaire Carl Craig de Detroit, et Bêtes de scène (Feadz d’Ed Banger ou Danger, véritable électrochoc en live), mais c’est également le cas pour d’autres : Les Eurockéeennes (Gramatik, SBTRKT, Brodinsky, Louisahhh!!!, Salut c’est cool, voir Poly n°166) ou Décibulles (Vitalic, Chinese Man…). Cet été l’electro se fait davantage dansante que cérébrale, les programmations festivalières rendant même hommage à un genre qui s’était évaporé des grosses manifestations estivales : la house. Levez les bras en l’air et sortez les smileys avec le duo britannique Bondax, les Français de Club Cheval et le Canadien Kaytranada (samedi 5 juillet aux Eurocks) ou encore en compagnie du mythique Moodymann (vendredi 13 juin à Contre-Temps).

Metronomy © Gregoire Alexandre

Please mr. postman

Que celui qui n’aime pas Metronomy (vendredi 4 juillet aux Eurockéennes ; séance de rattrapage lundi 3 novembre à La Laiterie) fasse son coming out, ici et maintenant. Personne ? Difficile de trouver des détracteurs au groupe anglais qui cartonne depuis 2011 et The English Riviera, album qui a mis tout le monde d’accord, la ménagère pointilleuse et le hipster de moins de 50 ans. Dur de résister aux chansons rétro-modernes de Joseph Mount et sa bande, à des titres aussi sautillants que Love Letters qui ressuscite les B-52’s et nous réconcilie avec Michel Gondry, auteur du clip, génial. Leur dernier album, posté il y a quelques mois ? Sucré comme il faut, rond en bouche, mainstream mais pas trop(nomy), il nous fera tout l’été.

C’est le luth final

Bachar Mar-Khalifé (vendredi 6 juin au festival Musiques Métisses), fils de Marcel Khalifé, célèbre oudiste libanais, vit en France depuis longtemps, mais garde un orteil, un pied, un bout de cœur dans son pays natal. Ses morceaux, hymnes anti-Bachar (pas lui, l’autre) enflammés ou ballades pianistiques, font le pont entre Occident et Moyen-Orient, musique traditionnelle koweitienne (sa relecture énergique de Ya Nas qui a fait le bonheur d’électroniciens remixeurs) et chanson populaire (sa version très personnelles de Machins Choses signée Gainsbourg). Ce gars-là, c’est le Printemps arabe à lui tout seul, mariant chant posé, notes de piano frappées et beats bien placés.

Trois questions à Kem Lalot, programmateur des Eurockéennes

L’an passé, vous étiez sur quatre jours. Pourquoi être revenus à la formule initiale, avec trois jours de festival ?

C’était pour les 25 ans des Eurockéennes. Nous aurions pu surfer sur le succès de cette édition – où nous avons réalisé un de nos plus gros scores – et proposer à nouveau quatre jours, mais on ne veut pas entrer dans un systématisme.

Electro pure (Hermigervill), house classique (Bondax), rock à l’ancienne (The Black Keys, The Fat White Family), hip-hop façon roots (Schoolboy Q) ou soul traditionnelle (le label Daptone) : Les Eurockéennes célèbrent un retour aux sources ?

Il ne s’agit pas d’un désir de ma part de faire du old school : c’est un hasard de programmation, sorte de Tetris qui se monte petit à petit en fonction de nos découvertes. C’est vrai que des groupes comme The Fat White Family ont une base rock très classique, avec un petit plus sulfureux. Je les ai vu au festival Austin South by Southwest au Texas et j’ai pris une claque. Le chanteur est extrême et passe une grande partie du concert dans le public !

Quels sont les artistes que vous êtes le plus fier d’accueillir cet été ?

Robert Plant qui n’est pas revenu aux Eurockéennes depuis 1995 où il était accompagné de Jimmy Page. Il a une manière originale de réadapter les morceaux qu’il jouait avec Led Zeppelin. La voix est toujours là et c’est peut être une des dernières fois qu’on le verra sur scène… Sinon, en découverte, je citerais Goat, collectif suédois – avec deux danseuses – qui fait une musique rock, tribale, psyché et sixties.

Les Eurockéeennes, du 4 au 6 juillet, à Belfort (avec Stromae, Skrillex, The Black Keys, Pixies, Franz Ferdinand, M.I.A. ou Metronomy)

www.eurockeennes.fr

Bela lugosi’s dead

Natala à Colmar, c’est, je cite l’équipe de Hiéro, « des DJs, des afters, de la pétanque, des apéro-concerts, des concerts et plein d’autres trucs chouettes », en plein air. L’originalité première de ce festival sous les arbres : les ciné-concerts. Cette année, découvrons l’« odyssée electro psychédélique » Déjà-Vu (vendredi 18 juillet), création musicale en direct sur un film réalisé live. À ne pas manquer non plus, la diffusion de Plan 9 from outer space (samedi 19 juillet), film fauché et culte (notamment pour Tim Burton) d’Ed Wood, mis en musique par Volvox Orchestra. Au programme, des sonorités SF et des effets très spéciaux, des soucoupes volantes, des extra-terrestres, des vampires sexy et même Bela Lugosi… pourtant mort au moment du tournage.

festivals : la rock-list

Contre-Temps, du 5 au 15 juin, à Strasbourg (avec Carl Craig, Moodymann, Sweet Vandals ou Cotton Claw)

www.contre-temps.net

Jardin du Michel, du 6 au 8 juin, à Bulligny (avec Skip the Use, FFF, Method Man & Redman, Alpha Blondy ou D-Bangerz)

www.jardin-du-michel.fr

Musiques Métisses, du 6 au 8 juin, à Colmar (avec Summer Rebellion, Bachar Mar-Khalifé ou La Zikabilo)

www.lezard.org

Musiques Hors Format, du 21 au 29 juin, à Metz (avec Cascadeur, Yuksek, Frànçois & the Atlas Mountains, Seun Kuti & Egypt 80 ou Cape Town Effects) – gratuit

www.metz.fr

Rencontres & Racines, du 27 au 29 juin, à Audincourt (Doubs, avec Staff Benda Bilili, Anthony Joseph, Ibibio Sound Machine, Têtes Raides, lire Poly n°167)

www.rencontres-et-racines.audincourt.com

Zelt Musik Festival, du 16 juillet au 8 août, à Fribourg (Allemagne, avec Gregory Porter, Jeff Beck ou Youssou N’Dour)

www.zmf.de

Bêtes de scène, du 27 au 29 juin, à Mulhouse (avec Feadz, Breton, DJ Cam, Cotton Claw, Colt Silvers, voir Poly n° 140, ou Singe Chromés, voir Poly n° 166)

www.noumatrouff.fr

Rock a Field, à Luxembourg, du 27 et 29 juin (avec Skrillex, Alice in Chains, Foals, Gold Panda, Interpol, The Hives ou Haim)

www.rockafield.lu

Les Eurockéeennes, du 4 au 6 juillet, à Belfort (avec Stromae, Skrillex, The Black Keys, Pixies, Franz Ferdinand, M.I.A. ou Metronomy)

www.eurockeennes.fr

Décibulles, du 11 au 13 juillet, à Neuve-Église (avec Boogers, Vitalic, Morcheeba, Staff Benda Bilili, Action Beat, Chinese Man ou Ky-Mani Marley)

www.decibulles.com

Stimmen, du 15 juillet au 3 août, à Lörrach en Allemagne (avec Calexico, Anna Calvi, Babyshambles, The Hives ou Elton John) www.stimmen.com

Festival Natala, du 17 au 20 juillet, à Colmar (avec des DJs, des concerts – Snøffeltøffs… – et des ciné-concerts)

www.hiero.fr

Das Fest, du 25 au 27 juillet, à Karlsruhe en Allemagne (avec The BossHoss ou Jupiter Jones) – www.dasfest.net

Summer Vibration reggae festival, vendredi 25 juillet, à Sélestat (avec The Gladiators, High Tone ou Max Romeo) & Rock your Brain fest, samedi 26 juillet, à Sélestat (avec Les Sheriff ou Les Wampas)– www.zone51.net

Festival de la Paille, les 1er et 2 août, à Métabief dans le Doubs (avec IAM, Carbon Airways ou Airnadette)

www.festivalpaille.fr

La Foire aux vins d’Alsace, du 8 au 17 août, à Colmar (avec Neil Young and Crazy Horse, Motörhead ou –M–)

www.foire-colmar.com

Summerlied, du 13 au 17 août, à Ohlungen (Tri Yann, I Muvrini, Les Hopla Guys, Ny Malagasy Orkestra, ou Goran Bregović) www.summerlied.org

No Logo Festival, du 13 au 15 août, aux Forges de Fraisans (Jura, avec Patrice, Jimmy Cliff ou LKJ) www.nologofestival.fr

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