Combas rock

Portrait de Robert Combas par Geoffroy Krempp pour Poly

Dans l’exposition collective Rock’n’roll de la Fondation Fernet- Branca, la star se nomme Robert Combas. Rencontre avec l’artiste emblématique de la Figuration libre.

Interviewer Robert Combas ressemble à un sport extrême. Vous lui posez une première question, évoquant les Démodés, groupe de rock dadaïste fondé en 1978 avec Ketty et Buddy Di Rosa – frère d’Hervé –, et le voilà parti. Accent du Sud et verbe haut, sa logorrhée est un tourbillon dans lequel son esprit, rebondissant comme une super balle, passe d’un joueur de foot de l’Ajax des années 1970 aux boîtes de nuit (« Les gens ne savent plus danser, vous avez remarqué ? »), avant de partir dans une autre direction : « Au fond, je suis un fainéant », assène-t-il. Heu… Où en étions-nous, déjà ? Hyperactif qui « s’emmerde très vite », l’artiste est reparti sans reprendre haleine, alors qu’il a été impossible de poser une deuxième question, tant son débit est dense. « Ma peinture, c’est du rock », affirme-t-il. « Et réciproquement », lui répond-on, coupant le flot des mots, recueillant un regard d’approbation.

Il suffit pour le constater de voir un concert des Sans Pattes, duo créé avec Lucas Mancione en 2011 proposant d’improbables shows, entre music-hall déjanté et performance sonore avec de gigantesques guitares en carton plume décorant la scène et des images projetées. « Nous faisons de la magie avec trois bouts de ficelle. » À la Fondation Fernet-Branca, de saisissantes photographies signées Harald Gottschalk témoignent de ces concerts à côté d’immenses toiles représentatives de l’art de Combas – dont une magnifiant le Velvet Underground –, reconnaissables au premier coup d’œil, entre BD punk, art brut, street art tendance Keith Haring, vases grecs de la période géométrique et 1 001 autres références qui s’imbriquent, se contaminent, jouant les unes avec les autres.

Le Velvet Underground, 1990

Étudiant aux Beaux-Arts de Montpellier au milieu des années 1970, il voulait appeler son style « la Peinture fun. Mais l’anglais, bon, bof. En français, j’ai cherché : ça donne “peinture agréable et décontractée”. C’est pas mal. Enfin maintenant, j’aime bien. » C’est Ben qui trouvera le nom du mouvement : la Figuration libre (dans un article paru dans Libé à l’occasion de l’exposition 2 Sétois à Nice où il est aux côtés d’Hervé Di Rosa). « Intellectuellement, c’est le plaisir de faire ce qu’on veut », se marre Robert Combas, pas prêt à se laisser enfermer dans un carcan, même s’il juge que certains de ses anciens petits camarades ont pris d’autres directions, comme François Boisrond : « Nous étions dans le même truc, mais aujourd’hui il est ailleurs, faisant une sorte de pointillisme pré-conceptuel. » Il poursuit, intarissable, évoquant sa rencontre avec Michel Houellebecq, puis passant au monde de l’art : « Il y a beaucoup d’aventuriers dans l’Art contemporain. Tu prends n’importe qui dans la rue : il peut décider de travailler dans ce milieu, il n’y connaît rien. Il y en a plein comme ça. » Le peintre revisite l’art de la conversation, charriant les mots avec bonheur, balançant des pépites sémantiques, assénant quelques vérités sur un mode lyrique, loin, terriblement loin du discours formaté, sec et pontifiant, de bien des plasticiens. Et de citer le dernier film d’Alejandro Jodorowsky, Poesía Sin Fin qui explique tout en somme : « En le voyant, je me suis aperçu que je n’étais pas peintre, ni musicien. Enfin aussi. Mais surtout et essentiellement poète. »

À la Fondation Fernet-Branca (Saint-Louis), jusqu’au 18 février
fondationfernet-branca.org
combas.com

Thomas Lévy-Lasne, La Fête 90, 2011

autres rockers
Deux autres artistes sont présentés avec Robert Combas dans l’exposition. Le visiteur découvre ainsi le travail photographique et éditorial de Benoît Grimbert autour des figures que sont Ian Curtis, David Bowie et Nico avec trois promenades métaphoriques à Manchester ou Berlin, entre télescopage temporel et rêverie mélancolique. À leur côté, les éblouissantes aquarelles de petit format de Thomas Lévy-Lasne tirées de la série La Fête ressemblent à des instantanées houellebecquiens : images de soirées arrosées dans lesquelles les personnages – beaux représentants de l’homo festivus saisis dans leur splendide isolement au milieu de la foule – ne croisent jamais le regard du visiteur.
benoitgrimbert.fr
thomaslevylasne.com

 

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