Clandestino

La compagnie Mémoires Vives a une double actu en avril, présentant Parmi n(v)ous à Pôle Sud et Kerakoum à L’Espace culturel de Vendenheim, dans le cadre du festival Les Éphémères. Rencontre avec des “clandestins” à la langue bien pendue.

 

Yan Gilg et sa compagnie Mémoires Vives, prix Michèle Bur 2013 du Club de la Presse, sont omniprésents dans le paysage local, enchaînant les projets depuis 2006 – À Nos Morts…, Folies-Colonies, Beautiful Djazaïr – traitant essentiellement de l’histoire des immigrations, diffusés sur les scènes alsaciennes. Pourtant, ils se considèrent encore comme des laissés pour compte… « En termes de budget, mais aussi dans certains lieux et champs culturels, nous sommes des clandestins », s’indigne Yan, connu pour son franc-parler. « Bien sûr, nous avons pris du grade, mais nous nous considérons toujours comme des exclus. La plupart du temps, nous ne sommes pas dans la programmation de saison, mais dans les interstices. » Et Yan Gilg d’évoquer le projet, pour l’instant avorté, d’un lieu dédié aux cultures urbaines qui aurait dû, selon lui, voir le jour dès la fin des années 1990, au moment du début de l’effervescence strasbourgeoise.

 

Ainsi, Parmi n(v)ous parle de Mémoires Vives et de tous les artistes hip-hop qui se démènent afin de trouver des espaces où s’exprimer. Le spectacle traite aussi (et surtout) des “véritables” sans-papiers, des déracinés, s’inspirant de textes (Poète, tes papiers d’Emmanuel Flory…) et de témoignages puisés dans des livres ou documentaires relatant différents itinéraires, parfois cruels. « Bien sûr, ça n’est pas le même degré de déchirure et de violence », concède Yan. Parmi n(v)ous, c’est une mise en abyme, l’histoire de quatre artistes qui rentrent clandestinement dans un théâtre afin de monter une pièce chorégraphique sur des destins d’exilés, d’invisibles. Des images d’archives sont projetées et des sons diffusés tandis qu’Yvonnette Hoareau, Sébastien Vela Lopez, Marino Vana et Mickaël Stoll entrent dans la danse. Sébastien, chorégraphe, évoque un tableau, le solo d’Yvonnette « sur le témoignage d’une femme expulsée et jetée dans le désert. Sa danse fluide, dans son énergie et son émotion, est en décalage avec les souffrances, les viols, que raconte la voix-off. » Succession de saynètes en mouvement liées par une trame et racontant des trajectoires, cette création est « impertinente et politique, une satire, un petit cri »… non dénué d’humour et d’autodérision, avec des performances physiques, des corps en tension, du rap, des muscles et même des perruques.

Fenêtres ouvertes

En avril, Mémoires Vives nous convie également à un « voyage musical » de Strasbourg à Alger via Marseille. Kerakoum (“comment allez-vous ?” en arabe), projet musical construit autour de poèmes de Yacine Kateb ou Mohamed Benhamadouche, raconte « la souffrance coloniale et les rêves d’exil de la jeunesse algérienne », selon Yan Gilg. Mêlant hip-hop et world, flow rap puissant et chant mélodieux, airs d’accordéon ou de mandole algérois, le spectacle croise les genres et les langues, car le hip-hop, qui sample à tout va, « a le monde entier dans ses gènes ». Ce show mixant les sonorités est présenté (le 26 avril) dans le cadre du festival Les Éphémères, “fenêtres urbaines” grandes ouvertes, durant quelques jours, à Vendenheim. Cette manifestation, une « proposition très complète », d’après Sébastien Vela Lopez, rassemble des spectacles tels que Recyclables (le 16) de Magic Electro – quatre danseurs font une intrusion dans le monde de l’entreprise – ou encore le concours musical New Soul Contest (le 19) organisé par Les Sons d’la Rue, asso créée par Yan Gilg en 1996. Il était important pour Stéphane Litolff, directeur de l’Espace culturel de Vendenheim qui fête ses dix ans, de rappeler que « les premières créations de Mémoires Vives ou de Magic Electro ont eu lieu ici. Il y a un lien très étroit entre nous. » Pour lui, cette focale sur ces pratiques montrent qu’elles « s’ouvrent à d’autres esthétiques, aux musiques du monde ou au classique… » Elles ne se cantonnent plus strictement au hip-hop. Prenons l’exemple de Cuerpo (le 23) de la compapgnie Mira, rencontre de trois danseurs, d’une violoniste (Clémence Schaming) et d’un percussionniste corporel (Cheikh Sall). Pour Sébastien Vela Lopez, directeur artistique et chorégraphe de la compagnie (avec Yvonnette), « au-delà des effets sonores des percussions corporelles, c’est la gestuelle de Cheikh dont je voulais m’accaparer pour la déstructurer et l’amener vers quelque chose de visuel. » Il utilise ses mouvements pour l’écriture chorégraphique d’une pièce interrogeant le rapport entre le corps en mouvement et l’espace.

Parmi n(v)ous :

À Strasbourg, à Pôle Sud, du 2 au 4 avril

03 88 39 23 40 – www.pole-sud.fr

(navette depuis Lingolsheim : départ mercredi 3 avril à 19h30 devant la Maison des Arts – www.lingolsheim.fr)

À Oberhausbergen, au PréO, mardi 7 mai

03 88 56 90 39 – www.le-preo.fr

À Reichshoffen, à La Castine, samedi 12 octobre

www.lacastine.com

À Vendenheim, à l’Espace Culturel vendredi 25 octobre

www.vendenheim.fr

www.cie-memoires-vives.org

Festival Les Éphémères :

À Vendenheim, à L’Espace culturel et autres lieux (Médiathèque Tomi Ungerer…), du 13 au 26 avril

03 88 59 45 50 – www.vendenheim.fr

Kerakoum sera également présenté samedi 30 novembre, au PréO d’Oberhausbergen, dans le cadre du Festival Strasbourg Méditerranée – www.strasmed.com

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