City Lights

La 15e édition des Journées de l’Architecture, se déployant entre Allemagne, France et Suisse, invite Sir Richard Rogers – auquel on doit notamment le Centre Georges Pompidou et la Cour européenne des Droits de l’Homme –, pour célébrer Les Architectures en lumière.

Universitätsbibliothek Freiburg © Degelo Architekten

Rien moins qu’un Pritzker Price, la plus haute distinction en architecture souvent comparée au Nobel de la discipline ! Voilà ce que pourraient clamer sans rougir les Journées de l’Architecture, festival trinational porté depuis une décennie et demi par la Maison européenne de l’Architecture – Rhin supérieur. Après le chinois Wang Shu en 2013 puis Glenn Murcutt en 2014, l’association a la bonne idée de choisir Richard Rogers comme invité d’honneur et conférencier star de la soirée inaugurale qui se tiendra au Zénith de Strasbourg (vendredi 25 septembre à 18h), remplacé par l’un de ses associé, Ivan Harbour, suite à des problèmes de santé. L’occasion de célébrer comme il se doit l’architecte de la Cour européenne des Droits de l’Homme pour les vingt ans de son édification. D’autant que l’Italien, né en 1933 dans la belle ville de Florence, naturalisé britannique (et même anobli par la Reine !) poursuit un travail de bâtisseur élégant, soucieux de tenir un rôle non seulement social – « L’architecte doit chercher à démocratiser l’espace » –, mais aussi de vigie. En plein chantier de l’immense nouveau terminal de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry, celui qui vient de remporter le concours des réserves du Louvre à Liévin prenait ainsi fait et cause, en juin 2015, pour la sauvegarde de Robin Hood Gardens, vaste ensemble de banlieue londonienne, typique du brutalisme [1. Tendance architecturale privilégiant l’emploi de matériaux bruts (principalement le béton), la non-dissimulation de l’infrastructure technique (tuyauteries…) et la liberté des plans dans des formes géométriques anguleuses qui frappent par leur répétition] dont ses architectes Peter et Alison Smithson furent les promoteurs dès les années 1950.

Un œil dans le rétro par souci patrimonial, esthétique et historique, l’autre vers l’avenir. Richard Rogers, figure de proue du mouvement high-tech, ne peut s’appréhender par ses seules constructions phares (et anciennes), à l’instar du Centre national d’Art et de Culture (Beaubourg) signé avec Renzo Piano et Gianfranco Franchini à l’esthétique et aux principes caractéristiques de son style : espaces nus et modulables rejetant tous les rouages du bâtiment (tuyaux, gaines techniques, escaliers…) à l’extérieur. Il est aussi passé maître en l’art de la légèreté des structures à l’image du Dôme du Millénium de Londres, et de systèmes préfabriqués qu’il empile pour réduire les coûts avec une dimension écologiste affirmée (le Lloyd’s building de Londres, le 8 Chifley Square de Sydney).

Salle plurifonctionnelle, Singrist © Rouby Hemmerlé Architectes

Les lumières de la ville
Mais que l’on ne se méprenne pas, les JA célèbrent surtout l’architecture au sens large avec pas moins de 222 manifestations sur l’ensemble du Rhin supérieur, destinées au grand public, dans une vingtaine de villes (Drusenheim et Wissembourg sont les deux petites nouvelles). Qu’y faire ? Profiter de sa pause déjeuner pour filer à l’une des dizaines de “midi-visites”, ces balades accompagnées d’une personnalité dans des chantiers en cours mais aussi pour (re-)découvrir des bâtiments emblématiques de villes de part et d’autre du Rhin. Des “visites particulières” (notamment l’accueil de l’Hôtel de Ville d’Illkirch-Graffenstaden avec l’archi Renato Filippini le 10/10 ou encore la toute récente Vill’A, voir pages 24-25) complètent cette offre gratuite, sans oublier des “parcours vélo en ville” (Colmar, Freiburg, Mulhouse, Strasbourg et Wissembourg), accompagnés et commentés par des architectes. Mention spéciale pour les nocturnes mulhousiennes (03 & 10/10) et strasbourgeoises (09, 16 & 23/10), ainsi que pour l’expérience de nyctalotourisme piétonnier proposée à Mannheim (03/10) ! Ne manquez pas la très originale visite de la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp, conviés à bord de véhicules anciens ou de prestige, en passant par les petites routes du massif Vosgien (Sika Road Tour, Belles charrettes et architecture, 11/10 sur réservation), organisée pour le cinquantième anniversaire de la mort de Le Corbusier.

School Building, Leutschenbach © Walter Maier

Rêver la ville
Cette année, Mulhouse sera particulièrement à l’honneur avec ses grands projets en cours mais aussi par le biais d’un concours ouvert aux étudiants des grandes écoles d’architecture du bassin rhénan (Karlsruhe, Lausanne, Strasbourg et Zurich) visant à imaginer un nouveau visage à La Tour de l’Europe – actuellement en plein marasme – dominant la ville. Mais notre coup de cœur reste bien “Archi Pecha Kucha” (09/10, à 20h au bâtiment Motoco de DMC), exercice de style original pour architectes : ils ont exactement 6’40’’ pour commenter 20 images. Soit 20 secondes par image, pas une de plus ! Où que vous habitiez, l’exposition trinationale itinérante (Strasbourg, Wissembourg, Karlsruhe, Freiburg, Bühl, Mulhouse, Colmar) ne sera jamais bien loin. Elle regroupe des photographies de  projets architecturaux réalisés dans la région – et souvent méconnus –, distingués pour la qualité de leur usage de la lumière. Divers colloques autour de la thématique de cette édition seront l’occasion d’agiter nos méninges : à L’Aubette strasbourgeoise (02/10 à partir de 14h) – chef d’œuvre d’avant-garde signé Theo Van Doesburg, Hans Arp et Sophie Taeuber-Arp – pour « interroger le récit moderne à la lumière de notre temps présent » (sic.), suivi d’un Apéro-mapping et néo bal blanc (à 18h30). Le lendemain à l’Ensa de Strasbourg avec l’agence 1024 Architecture et l’Héliodôme, cette maison originale en forme de soucoupe volante inversée et à moitié enterrée, bâtie non loin de Wasselonne en suivant les cycles solaires. Et pour finir, rendez-vous à Karlsruhe avec Ville-mondes – Patrie du futur (le 15/10 au ZKM) à la rencontre Ole Scheeren, concepteur de grands projets novateurs d’habitations de masse verticales (Vancouver…) et horizontaux, par empilements en diagonale comme The Interlace à Singapour sur lequel il a planché lorsqu’il travaillait pour Rem Koolhaas. Du beau monde, rien que du beau monde.

The Interlace, Singapour © Iwan Baan

En Alsace, dans le Bade-Wurtemberg et les cantons de Bâle, du 25 septembre au 24 octobre
03 88 22 56 70 – www.ja-at.eu


* Colloque Architectures en lumière, vendredi 2 et samedi 3 octobre à Strasbourg (à L’Aubette, suivi d’un bal blanc avec vidéo mapping et le lendemain à l’Ensas), entrée libre
* Soirée de clôture avec Wolfram Putz de l’Agence GRAFT Architekten, samedi 24 octobre à 18h au Bürgerhaus Neuer Markt de Bühl, réservation sur inscription@ja-at.eu

vous pourriez aussi aimer