Avant rome

Couvercle d’urne funéraire, fin du IIIe siècle av. J.-C, Museo Etrusco Guarnacci, Volterra © SABAP per le Province di Pisa e Livorno

Exposition d’ampleur sur Les Étrusques à Karlsruhe et découverte du sanctuaire d’Orvieto à Luxembourg : deux événements permettent de mieux connaître une civilisation antique mystérieuse.

Qui furent les Étrusques ? Réponse au Badisches Landesmuseum de Karlsruhe avec quelque 400 pièces prêtées par les plus prestigieuses institutions italiennes. Parmi elles figurent des œuvres emblématiques comme L’Arringatore, statue de bronze du Ier siècle avant Jésus-Christ représentant un homme grandeur nature nommé Aule Meteli, dont le sens demeure énigmatique : est-ce un orateur, précurseur de Cicéron – comme pourrait le faire penser une interprétation contemporaine de son geste – ou un prêtre se livrant à un rituel oublié ? Cette indétermination symbolise le mystère nimbant la civilisation étrusque qui s’exprime encore plus brillamment dans l’Ombra della seraL’Ombre du soir, surnom donné par Gabriele d’Annunzio – statuette filiforme qui entretient d’évidentes parentés esthétiques avec les œuvres de Giacometti¹, dont on ne connaît pas la fonction exacte.

Statue d’Aule Meteli, Museo Archeologico Nazionale, Florence © Polo Museale della Toscana

Civilisation
Des prémisses – avec la culture villanovienne de l’Âge du Fer² – à la chute, ou plutôt l’absorption par Rome triomphante, au milieu du IIIe siècle avant Jésus-Christ : c’est la trajectoire d’une thalassocratie antique commerçant efficacement et guerroyant allégrement qui est esquissée. Le visiteur découvre des singularités comme le bucchero, céramique noire typiquement étrusque imitant à merveille le métal, le « premier produit créé en Europe occidentale à avoir connu des fabrications en série fortement standardisées, des techniques décoratives mécaniques et une diffusion sur de longs parcours méditerranéens », résume l’archéologue Jean Gran-Aymerich³. Promenade dans les principaux centres urbains d’un territoire centré sur l’actuelle Toscane – Tarquinia, Cerveteri, Volterra, Vulci, etc. –, découverte d’une organisation politique prenant la forme d’une dodécapole de cités-états, présentation d’un exceptionnel artisanat d’art et d’or, exploration des échanges multiples avec la Mare nostrum et la Grèce en particulier se manifestant, par exemple, dans une surprenante parenté de certaines statues avec des kouroï archaïques : l’exposition de Karlsruhe propose un tour d’horizon complet. Elle permet aussi de mieux connaître une langue « qui n’a pas la moindre parenté avec celle de quelque autre nation », écrivait déjà Denys d’Halicarnasse. Il est vrai que les Tyrrhéniens (4)
ne parlaient pas un idiome indo-européen : ils ont en effet emprunté l’alphabet grec en l’adaptant à leurs exigences phonétiques.

Vues – objets exposés (c) MNHA Éric Chenal

Religion
Au centre de l’exposition se trouve la religion et les croyances dans l’au-delà avec notamment un échantillon d’urnes funéraires, des premières rappelant des cabanes, aux sarcophages raffinés et délicatement sculptés surmontés d’une représentation du défunt en train de banqueter, mais aussi des objets divinatoires comme le surprenant Foie de Piacenza. Pour aller plus loin, le luxembourgeois MNHA propose, sous le titre Le Lieu céleste, les Étrusques et leurs dieux, une plongée au cœur du sanctuaire d’Orvieto, le plus important d’Étrurie, dédié au dieu Veltune, à la lumière des dernière découvertes archéologiques. Y sont montrés des offrandes (comme des pièces de vaisselle précieuse importées de Grèce, des colliers et des fils d’or, de petites têtes de terre cuite…), des antéfixes anthropomorphes permettant d’imaginer la structure des temples, un socle de statue avec dédicace à la déesse Tluschva… Au fil des salles, le visiteur comprend l’organisation du sanctuaire – avec ses temples, sa voie sacrée – se voyant offrir une plongée concrète, précise et documentée au cœur de la religion étrusque représentative d’une nation « qui tenait plus que toute autre à l’observation des rites religieux, parce qu’elle excellait dans la science du culte », écrivait Tite-Live dans son Histoire romaine.


Au Badisches Landesmuseum (Karlsruhe), jusqu’au 17 juin
landesmuseum.de
etrusker.landesmuseum.de

Au MNHA (Luxembourg), jusqu’au 2 septembre
mnha.lu

1 La Fondation Giacometti évoque un « rapprochement superficiel », poursuivant : « S’il est vrai que Giacometti a vu des collections d’Art étrusque lors de son séjour italien en 1921, à Florence et à Rome, il ne possédait aucune reproduction de L’Ombre et il ne l’a jamais décrite parmi les œuvres qui l’ont marqué »
fondation-giacometti.fr
2 Elle débute entre 1 000 et 600 avant Jésus-Christ
3 Dans Les Vases de bucchero, Le monde étrusque entre Orient et Occident (L’Erma di Bretschneider, 2017) – lerma.it
4 Autre nom des Étrusques

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