Ardent Arden

Un souffle épique et drolatique à la fois habite Arden, premier roman de Frédéric Verger et sensation de la rentrée littéraire.

Nous l’avions découvert au cœur de l’été, au bord de l’immense piscine d’un établissement fêtant ses 150 ans, élégamment posé sur les rives du Lac Majeur. Impossible de le savoir en ouvrant le livre, mais il s’agissait bien du cadre idéal pour se plonger dans les 480 pages d’Arden, bijou de la rentrée littéraire qui se lit d’une traite, passé presque inaperçu à sa sortie, éclipsé par des opus plus médiatiques… mais qui n’est pas loin de faire sensation aujourd’hui, puisqu’il apparaît dans les premières sélections de quatre récompenses littéraires majeures, dont le Prix Goncourt. Inconnu au bataillon, son auteur, Frédéric Verger, est un professeur de lycée quinquagénaire exerçant en banlieue parisienne… mais, avant tout, un écrivain, un vrai, qui frappe fort pour son premier roman.

Impossible de résumer le foisonnant Arden dont l’action se déroule en Marsovie, pays imaginaire situé en Europe centrale dont le nom, s’il évoque les états créé par Hergé – Syldavie et Bordurie – est surtout un clin d’œil à l’une des plus célèbres opérettes du répertoire, La Veuve joyeuse de Franz Lehár. La référence est clairement assumée dans l’appellation de cette principauté… d’opérette où prend place un récit dans lequel la musique a un rôle central. Les deux protagonistes principaux du roman Alexandre de Rocoule, gérant d’un hôtel luxueux aux charmes surannés, et son ami le tailleur juif Salomon Lengyel passent en effet leur temps à composer des opérettes inachevées – ils ne réussissent jamais à se mettre d’accord sur la fin – aux noms improbables, Mandryka et la violette cachée, Loth s’amuse ou encore Attention à la blanchisseuse. Des années 1930 à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, entre événements historiques réels et inventions habiles, l’auteur nous entraîne dans un maelström sémantique – cela fait longtemps qu’on avait pas vu une verve aussi puissante – où les destinées des héros croisent la brutalité nazie. Pleine de quiproquos et de rebondissements, l’action évoque la barbarie avec un humour glacé, faisant revivre la “vieille Europe” et le Yiddishland. Parfois ce remarquable Arden évoque du reste curieusement le film de Radu Mihaileanu, Train de vie. À lire de toute urgence…

Arden de Frédéric Verger est paru chez Gallimard (21,50 €)

www.gallimard.fr

 

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