Affirmative Action

Stanislas Nordey a constitué son équipe et fourbi ses armes. Le directeur du TNS s’est inventé en roi sans couronne, privilégiant les complicités artistiques et la prise de risques avec un projet-manifeste. Objectif affiché ? Remettre le théâtre public en mouvement avec un volontarisme pour la diversité et l’audace de rêver autrement.

La trajectoire est limpide, droite comme les convictions qui l’habitent. Le chemin tracé – pour les cinq saisons à venir – dans la lignée d’un parcours dans lequel il n’a « jamais rien lâché, quelques soient les conséquences ». Après avoir ébloui avec fracas le milieu artistique français dans les années 1990 au Théâtre des Amandiers à l’invitation de Jean-Pierre Vincent, son « père au théâtre », et dirigé avec la profusion artistique proche de la démesure que l’on sait le TGP à Saint-Denis, le voilà directeur du Théâtre national de Strasbourg. À près de 50 ans, il n’est plus le jeune loup d’alors, mais n’en a pas moins gardé un engagement sincère et radical qui dessine les contours de son projet pour Strasbourg : reprendre le flambeau de la décentralisation et de son « évangélisation militante un peu en sommeil depuis les années 1970 » en poursuivant le travail des pionniers (Gignoux, Dasté…) pour faire bouger les lignes sclérosant les scènes actuelles.

Laurent Sauvage (comédien associé) et Anne Théron (metteuse en scène associée) © Jean-Louis Fernandez

Concrétiser une utopie artistique
Pas question de se penser « seul dans un espace de production confortable comme cette maison. Je l’ouvre à des complicités artistiques construites depuis longtemps déjà », affirme-t-il. Exit la troupe permanente « qui ne satisfait ni les comédiens, ni les metteurs en scène », place à un vaste ensemble artistique totalement paritaire (hommes / femmes) : six metteurs en scène (Christine Letailleur, Blandine Savetier, Anne Théron, Julien Gosselin, Thomas Jolly et Lazare) alternant d’une année à l’autre création et travail avec les élèves, dix acteurs (parmi lesquels Emmanuelle Béart, Valérie Dréville, Nicolas Bouchaud, Claude Duparfait…) et six auteurs (Falk Richter, Pascal Rambert…). Tous irrigueront les saisons à venir dans la programmation du Théâtre mais aussi à l’École dont Nordey se fait fort de « renverser les paradigmes : la cinquantaine d’artistes en formation doit se confronter de manière féconde à celui de l’ensemble afin de constituer une ruche. » Ce foisonnement de propositions prendra ainsi corps dans L’Autre Saison, nom donné à un ensemble de plus de quarante rendez-vous totalement gratuits (lectures, mises en espace, interventions… dont le programme sera présenté à la rentrée) organisés hors des murs du Théâtre pour aller à la rencontre d’un public différent, qui n’a pas forcément les moyens d’aller aux spectacles.

Valérie Dréville (artiste associée) © Jean-Louis Fernandez

Redonner voie aux sans voix
Si Stanislas Nordey n’a jamais caché son intérêt pour « les écrivains allant de la seconde moitié du XXe siècle à aujourd’hui qui seront dorénavant massivement montés », le poids des artistes associés penche volontairement du côté des comédiens et auteurs auxquels il entend « redonner le pouvoir qu’ils ont depuis trop longtemps perdu ». Et de reprendre l’étendard de l’égalitarisme en s’astreignant à une parité totale – sur les plateaux mais aussi jusque dans les équipes artistiques – avec l’objectif affiché d’user de son pouvoir de directeur pour favoriser la diversité et la mixité (sociale mais aussi d’origines) à l’École du TNS comme sur les planches afin que le « théâtre public cesse d’être trop majoritairement blanc et bourgeois en France ». Et si on pouvait changer la vie ?

 

Présentations de saison 2015-16, mardi 9 et mercredi 10 juin, à 20h, au Théâtre national de Strasbourg. Réservation obligatoire au 03 88 24 88 24 ou accueil@tns.fr

la saison 15 / 16 en avant-première

Teasing. Le très attendu projet de Julien Gosselin (artiste associé) autour de 2666, pharaonique roman posthume de Roberto Bolaño qui devait être créé au TNS en 2016 est repoussé d’une saison. Le chiffre d’un million d’euros de production est avancé, rien que ça ! Lazare, autre artiste associé, devrait porter sa nouvelle création, Sombre Rivière, sur les planches du TNS à l’automne 2016.

École. Quatre créations simultanées de la pièce Trust de Falk Richter (auteur associé) par les élèves des groupes 42 et 43 de l’École du TNS, répartis en quatre troupes, seront présentées du 11 au 16 décembre.

Prix Nobel. Blandine Savetier (artiste associée) et son dramaturge Waddah Saab préparent – en collaboration avec Orhan Pamuk, prix Nobel 2006 de Littérature – l’adaptation de Neige. Création entre cet automne et l’an prochain, au TNS.

Wajdi. Stanislas Nordey devrait reprendre sa mise en scène d’Incendies de Wajdi Mouawad, l’un des grands dramaturges actuels, pour se présenter avec la manière à son nouveau public.

Ne me touchez pas. Création au TNS par l’artiste associée Anne Théron (texte et mise en scène) d’après Les Liaisons dangereuses de Laclos et sa réécriture par Heiner Müller pour Quartett, avec notamment Laurent Sauvage (acteur associé). Du 22 septembre au 9 octobre.

Le Méridien de Paul Celan. Créé au TNS du 2 au 16 octobre avec Nicolas Bouchaud (acteur associé).

Christine Letailleur © Jean-Louis Fernandez

Les Liaisons dangereuses de Laclos. Mise en scène de Christine Letailleur (artiste associée), du 6 au 16 janvier 2016 (coproduction TNS-TNB).

 

Je suis Fassbinder. Un texte de Falk Richter (auteur associé qui présente aussi Small Town Boy, au TNS, en janvier 2016) dans une co-mise en scène avec Stanislas Nordey dans laquelle joueront les acteurs associés Laurent Sauvage et Emmanuelle Béart. Création au TNS du 4 au 19 mars 2016.

La Mouette. Thomas Ostermeier s’attaque pour la première fois à Tchekhov avec Valérie Dréville (actrice associée), du 31 mars au 9 avril.

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